Le premier producteur mondial de noix brutes veut aujourd’hui jouer dans la cour des grands fournisseurs d’amandes de cajou. L’enjeu financier et social se résume en quelques chiffres : une fois transformée, la noix prend 40% de valeur. Une unité de transformation de 10 000 tonnes c’est 800 emplois dont 80% de femmes. La plus-value ne se discute pas.
Le pays d’Afrique de l‘ouest qui ne transforme que 10% de sa récolte, veut conquérir le juteux marché américain, en quintuplant d’ici à 2025 sa capacité de décorticage et se mettre aux normes internationales, a annoncé mardi 25 mai 2021 le responsable de la filière.
De l’avis de Adama Coulibaly, directeur du Conseil coton-anacarde (CCA), qui gère la filière, « le pays a transformé en 2020, 12% des 848 000 tonnes de sa production brute de cajou, également appelé anacarde et vise à terme un taux de 50% à l’horizon 2025 ».
Et c’est ce qui explique la dynamique locale dans le secteur. Le pourcentage de noix transformée a plus que doublé ces 5 dernières années mais n’est encore que de 12%, la marge de progression reste donc énorme.
Avec un accroissement de plus de 100 000 tonnes de ses capacités de transformation attendu en 2021, le défi majeur de la transformation locale de l’anacarde d’origine ivoirienne sera l’exportation des amandes sur le marché international, au-delà des marchés traditionnels que sont le Vietnam et l’Inde.
Jusque-là pour atterrir Outre-Atlantique la noix de cajou ivoirienne faisait un détour par l’Asie. C’est en effet essentiellement en Inde et au Vietnam que la noix brute est décortiquée avant d’être réexportée.
L’ambition ivoirienne, c’est de partir à la conquête du marché américain, le plus gros « ventre » consommateur de cajou au monde. Le pays veut y augmenter ses parts de marché. Et il y a de la marge : 1% des achats américains seulement de cajou se fait en Afrique. La Cote d’Ivoire vise aussi le marché européen. « On ne veut négliger aucun marché », résume Adama Coulibaly, directeur général du conseil Coton-Anacarde.
Mais exporter plus à l’international, cela veut dire augmenter les capacités de transformation locale et mettre les usines aux normes sanitaires internationales.
Jusqu’ici les exportations des noix brutes du pays faisaient l’objet d’un « commerce triangulaire », au cours duquel le décorticage se faisait en Asie avant d’être envoyé aux Etats-Unis à « un prix exorbitant », explique pour sa part Losseni Koné, président de Ivory-Cashew, un cabinet américain spécialisé dans la certification et le commerce d’amandes de cajou de haute qualité.
Pour Losseni Koné, « le marché américain vaut 40% de la capacité mondiale, alors qu’il ne représente que 1% des importations ivoiriennes d’amandes ». Basé dans l’Etat du Maryland, il conduit une délégation d’hommes d’affaires américains venus visiter pendant une semaine plusieurs usines de transformation dans le nord et le centre de la Côte d’Ivoire.
La certification indispensable pour conquérir de nouveaux marchés
Les producteurs ivoiriens se sont donc fixé un objectif : transformer à l’horizon 2025 la moitié de la production de noix de cajou ivoirienne. Les travaux de deux zones industrielles viennent d’ailleurs d’être lancés, une à Bondoukou l’autre à Korhogo, des zones viabilisées et aménagées pour faciliter l’installation d’unités de transformation.
Et pour assurer la réussite du programme ivoirien, des experts sanitaires américains vont accompagner une quinzaine d’unité de transformation pour les aider à se mettre aux normes. « On veut qu’il n’y ait plus une seule usine sans certification », résume Adama Coulibaly. L’idée étant de mettre au point une forme de label consommateur qui rassure le monde sur la qualité de la cajou ivoirienne.
Devenir les leaders mondiaux
Le CCA a conclu, au terme de la visite, un partenariat avec Ivory-Cashew afin d’« assurer l’accès au marché des amandes et des produits dérivés de cajou d’origine Côte d’Ivoire aux Etats Unis et dans les autres pays du monde ». Ce programme vise à accompagner les unités industrielles de transformation dans une démarche qualité afin de satisfaire aux « normes américaines et internationales sur la sécurité sanitaire des aliments ».
Dans un premier temps, 15 unités de transformation seront concernées par la certification FSMA (Food Safety Modernization Act, la loi américaine sur la modernisation de la sécurité sanitaire des aliments) et vont bénéficier pendant deux semaines d’une formation par des experts américains sur « la réglementation et les exigences américaines en matière d’importation de produits alimentaires ».
Marché américain
La certification demeure une nécessité pour favoriser l’accès au marché américain. « « Une fois l’accès octroyé, vous pouvez vendre à tout le monde car aucun autre standard international n’est équivalent à celui du marché américain », a vanté Losseni Koné, à l’origine de ce partenariat. « L’enjeu ici est le positionnement du premier producteur de noix brutes parmi les leaders mondiaux des fournisseurs d’amandes du cajou de qualité », a expliqué Adama Coulibaly.
« Nous voulons une certification 100% Côte d’Ivoire et la meilleure garantie c’est d’avoir avec nous de grands spécialistes de contrôle de sécurité alimentaire mondialement reconnus », a-t-il ajouté, saluant ce partenariat. « Il n’y a pas d’inquiétude pour le marché du cajou aux USA. On en raffole. Le cajou ivoirien est le meilleur », a rassuré par vidéo-conférence le président d’Association of food industry (AFI créée aux Etats-Unis en 1906), Bob Bauer, promettant une « assistance aux producteurs ».
Une noix aux multiples débouchés
La Côte d’Ivoire devrait réaliser en 2021 sa meilleure campagne de commercialisation depuis cinq ans à travers « le respect » du prix fixé aux planteurs, en tablant sur une production de 900 000 tonnes de noix brutes. La production de « l’or gris », désormais considéré comme « un produit stratégique » par la Côte d’Ivoire compte 250 000 producteurs regroupés dans une vingtaine de coopératives.
L’amande de la noix de cajou est utilisée en cuisine et dans les cosmétiques, alors que la résine contenue dans sa coque se prête à divers usages industriels. La coque de la noix brute contient ainsi un liquide utilisé comme fluide pour les systèmes de freinage des avions. La pomme de cajou est utilisée pour produire du vin, de la liqueur, du sirop, de la confiture et du jus.
La noix de cajou brute est exportée vers l’Inde, le Vietnam et le Brésil qui abritent des industries de transformation avant de rejoindre les principaux pays consommateurs : l’Inde, les Etats-Unis, l’Union européenne, la Chine, les Emirats arabes unis et l’Australie.
L’Afrique assure plus de la moitié de la récolte mondiale de noix de cajou mais ne transforme localement que 10% de sa production. L’Amérique du Sud et surtout l’Asie transforment non seulement leur production mais aussi des noix importées, qu’elles peuvent ensuite réexporter.
Moctar FICOU / VivAfrik