Tour d’horizon avec la DEEC : Baba DRAME s’exprime sur la loi littoral, l’exploitation du pétrole et du Gaz et la pollution au Sénégal

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La mise en œuvre de la politique de l’Etat en matière de lutte contre les différentes pollutions et nuisances notamment celles liées au produits chimiques dangereux est intrinsèquement liée à la mission de la Direction de l’environnement et des établissements classés (DEEC) du ministère de l’Environnement et du Développement durable. Cette Direction s’occupe également de la mise en œuvre des activités qui concernent la gestion intégrée de la zone côtière, de la lutte contre les effets négatifs des changements climatiques, de la protection de la couche d’ozone, du suivi de la qualité de l’air, de la gestion des déchets dangereux et des urgences environnementales, des études d’impacts environnementales, de la gestion des établissements classés, etc., a confié à VivAfrik son directeur général Monsieur Baba Dramé, qui a, en outre, révélé que le Sénégal travaille sur la mise en place de la loi littoral. S’agissant de la future exploitation du pétrole et du gaz il rassure que les études d’impacts environnementales ont été réalisées et validées.         

Propos recueillis par Moctar FICOU                                     

L’agression du littoral sénégalais semble être érigée en règle d’or. Qu’est ce qui est fait pour endiguer ce phénomène ?

Le littoral est un milieu très sensible qui nécessite une attention particulière de la part de l’Etat du Sénégal pour non seulement le protéger mais également tirer le meilleur profit des opportunités qu’il offre. Notre pays a une côte longue de 700 km. Sur celle-ci, plusieurs activités se développent telles que la pêche, l’agriculture dans la zone des Niayes, le tourisme, les activités portuaires… Ce littoral dispose des écosystèmes naturels qui permettent le développent de toutes ces activités. D’où, la nécessité, pour l’Etat, d’entreprendre une série d’actions visant à mettre fin à son agression. Depuis le début des années 2000, il y a la mise en place du premier programme de protection du littoral. Nous avons par la suite bénéficié de l’appui des partenaires au développement. Grâce à cet appui, nous avons réussi à mettre en place une politique de gestion intégrée du littoral. La gestion du littoral fait intervenir plusieurs acteurs, pas seulement le ministère de l’Environnement comme le prétendent certains. Il y a tous les autres départements ministériels qui interviennent, l’aménagement du territoire, la pêche, le tourisme, l’industrie, l’urbanisme, les domaines etc. Donc, pour asseoir une gestion intégrée du littoral, il faut absolument mettre en place une politique intégrée qui regroupe l’ensemble des acteurs concernés. Cette politique est en train d’être revue pour être adaptée au contexte actuel de l’évolution du littoral dans le cadre du WACA (Ndlr : Programme de résilience du littoral sénégalais), financé par la Banque mondiale. Cette stratégie sera accompagnée d’un plan d’action qui permettra de mettre en place des projets et programmes qui permettront de lutter efficacement contre la dégradation du littoral ?

Sur quoi est basée cette politique de gestion intégrée du littoral ?

La politique de gestion intégrée du littoral est basée sur une approche intégrée dans laquelle il y a plusieurs actions qui relèvent de plusieurs départements ministériels. Le ministère de l’Environnement travaille beaucoup plus sur tout ce qui est protection des écosystèmes : aires marines protégées, lutte contre la pollution surtout au niveau de la Baie de Hann pour éviter la pollution industrielle mais aussi, il y a la protection du littoral contre l’avancée de la mer.

Quid de l’action anthropique sur le littoral ?

L’action anthropique est un facteur de dégradation du littoral. C’est la raison pour laquelle, il y a des mécanismes de régulations que l’Etat compte mettre en place. Déjà, notre pays travaille sur la mise en place de la loi littorale qui est à une étape très avancée. Cette loi littorale va permettre de mettre en œuvre des actions de protection du littorale. La future loi va organiser l’occupation de l’espace littoral. Elle nous permettra de répondre à la question comment affecter les terres du littoral ? En outre, cette loi va déterminer ou non si on doit occuper le littoral. Quelles sont les mesures pratiques qui doivent être prises comme l’étude d’impact environnementale qui identifie les impacts positifs mais aussi des impacts négatifs sur le littoral et mettre en place le plan de gestion environnementale et sociale ? Ce plan permet de réduire au maximum les incidences pouvant découler de la mise en place de ces infrastructures. En plus, il y a un travail extrêmement important qui est en train d’être mené avec les forces de défense et de sécurité. Vous avez tout à l’heure parlé de l’extraction du sable marin. C’est un sérieux problème que vous pointez du doigt partout sur la Presqu’île du Cap Vert. Le sable extrait fait partie de l’écosystème littoral. Ce sont des sédiments qui sont mobilisés d’un lieu à un autre et qui participent à rendre résilient cet écosystème-là. Quand les gens extraient le sable marin, la conséquence est qu’ils fragilisent les zones où il est extrait. Avec les forces de défenses et de sécurité et certaines directions du ministère de l’Environnement, notamment la direction des Eaux et Forêts, des patrouilles sont régulièrement organisées dans ces zones en vue de mettre un terme à ces pratiques irrespectueuses de l’environnement.  

Vous insistez beaucoup sur les études d’impacts environnementales. Est-ce à dire que vous avez pris les devants sur les risques environnementales et sociales que la future exploitation pétro-gazière pourrait engendrer ?

J’avoue que vous touchez du doigt un point qui fait l’objet de préoccupation au niveau même de la plus haute autorité de ce pays. Le président Macky Sall a donné des instructions claires pour que l’ensemble des structures qui sont directement concernées par la gestion environnementale et sociale de l’exploitation pétrolière puissent, d’ores et déjà, prendre leurs dispositions pour éviter que cette activité ne débouche sur une catastrophe écologique. Il faut avoir le courage de reconnaitre que, même si l’exploitation du pétrole a des incidences très positives sur notre économie, si nous ne prenons garde et que nous ne mettions en place des instruments de protection de l’environnement, nous pouvons nous retrouver dans une situation où des écosystèmes marins peuvent être dégradées, ce qui aura une incidence très négative sur des activités économiques très importantes pour le pays comme la pêche mais également le tourisme.

Je précise que la plupart des projets qui vont bientôt commencer la phase d’exploitation, les études d’impacts environnementales ont été réalisées et validées. C’est le cas du projet Grand Tortue Ahmeyim (GTA), un gisement de gaz entre la Mauritanie et le Sénégal avec British Petroleum (BP). Le plus important pour nous au niveau du ministère de l’Environnement, c’est au-delà des études d’impacts ponctuelles sur des projets qu’on puisse déjà faire ce qu’on appelle l’évaluation environnementale stratégique du secteur pétro-gazier offshore. Les études d’impacts environnementales permettent d’avoir une idée très claire des impacts d’un projet donné. Mais comme il y a plusieurs projets sur un même écosystème, l’idéal c’est de faire l’évaluation environnementale stratégique qui permet d’identifier les impacts cumulatifs. Un projet isolé peut avoir des impacts moindres sur l’écosystème. Cependant, quand on prend l’ensemble des projets qui vont être exploités au même moment, les impacts cumulatifs peuvent être désastreux pour l’écosystème marin et côtier dans sa globalité. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé ce processus avec l’appui de nos partenaires au développement notamment la Commission néerlandaise pour l’évaluation environnementale. Dans ce cadre, un Groupe de travail interministériel (GTI) a été mis en place. Ce groupe réunit le ministère de l’Environnement, le ministère en charge du Pétrole et des énergies, le ministère de la Pêche et d’autres structures. Toutes les questions environnementales liées à l’exploitation pétrolière seront abordées par ce groupe qui soumet aux autorités des recommandations et des suggestions pour les mesures à prendre afin d’assurer la protection de l’environnement marin et côtier dans un contexte d’exploitation pétro-gazière.    

S’agissant des risques, je pense que le cas de l’explosion du puits de gaz de Gadiaga constitue une alerte pour le Sénégal, mais le plus important est que l’Etat puisse tirer des leçons de cette situation d’urgence pour mettre en place un dispositif qui permet de prendre en charge les cas de sinistres. L’explosion prouve à suffisance que nous n’étions pas bien préparés pour prendre en charge ces genres de situations. En matière d’exploitation de pétrole et de gaz le risque zéro n’existe pas. C’est pourquoi, ce que nous recommandons, en plus de la prise en charge des questions environnementales, c’est de réaliser l’étude de danger. Celle-ci permet de mettre en place les Plans d’opérations internes (POI), qui permettent en cas de sinistre, d’organiser les secours.

La pollution liée à la qualité de l’air est un sérieux problème au Sénégal. Y a-t-il des mécanismes visant à améliorer cette qualité ?   

La qualité de l’air est un sérieux problème partout dans le monde, le Sénégal ne fait pas exception. Malgré tout, notre pays a fait un pas de géant dans ce combat en mettant en place un centre de gestion de la qualité de l’air. Dans beaucoup de pays africains, cette infrastructure n’existe pas. Ce centre a permis d’installer, un peu partout, dans la région de Dakar, des stations de mesure de la qualité de l’air qui nous permettent, quotidiennement, de publier le bulletin sur la qualité de l’air pour alerter les populations et les orienter vers les mesures qu’elles doivent prendre pour se protéger en cas de situation compliquée. Il faut aussi reconnaitre que nous sommes dans la zone Soudano-Sahélienne avec des vents de poussière qui peuvent avoir des incidences très négatives sur la santé des populations. Notre ambition aujourd’hui est d’étendre ce centre partout dans les grandes villes du Sénégal pour permettre aux autorités d’avoir des informations nécessaires et de pouvoir protéger les gouvernés.

Au-delà de ces questions, je pense qu’il y a des efforts à faire au niveau de la pollution industrielle. La qualité de l’air, au-delà des phénomènes naturels, est liée aussi aux activités économiques comme le transport et l’industrie. Le Sénégal dispose d’un parc automobile trop vieux. Il y a des véhicules qui datent des lendemains de l’indépendance et qui continuent à rouler. Cette situation contribue efficacement à la dégradation de la qualité de l’air. L’objectif aujourd’hui et nous y sommes déjà, c’est de travailler en étroite collaboration avec le Conseil exécutif des transports urbains de Dakar (CETUD) dans le cadre du renouvellement du parc automobile. Cela peut avoir une incidence très positive sur notre mission qui est la gestion de la qualité de l’air. Vous voyez aussi, ce que l’Etat est en train de faire dans ce domaine avec le Bus rapid transit (BRT), un projet de transport de masse qui va impacter sur la qualité de l’air notamment en réduisant l’utilisation des véhicules personnels. Il y a également le Train express régional (TER). Tous ces transports de masse, s’ils sont utilisés à bon escient, peuvent impacter positivement sur la pollution liée au transport.

S’agissant du domaine de l’industrie, le ministère de l’Environnement travaille régulièrement dans le cadre du contrôle des rejets d’eaux usées mais également des rejets sur l’atmosphère pour véritablement pousser les exploitants de ces unités industrielles à respecter les normes que l’Etat a mises en place pour réduire la pollution atmosphérique.

Propos recueillis par Moctar FICOU

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