Dans un rapport publié mardi, la Banque africaine de développement s’inquiète des conséquences économiques de l’épidémie de coronavirus qui pourraient faire basculer 50 millions de personnes dans l’extrême pauvreté. Le continent a franchi la barre des 500 000 contaminations recensées. La « flambée épidémique » de Covid-19, crainte pendant un temps en Afrique, ne s’est pas produite. Le nombre de cas continue certes d’augmenter – 489 000 cas positifs selon l’OMS, plus de 500 000 selon un décompte de l’AFP, 11 500 décès – mais le continent au 1,2 milliard d’habitants reste le moins touché du monde après l’Océanie. Dans une enquête publiée mardi 7 juillet, BBC Afrique relève la rapidité à laquelle le virus semble se propager depuis la mi-mai : « Alors qu’il a fallu près de cent jours pour que l’Afrique atteigne un nombre initial de 100 000 cas, il n’a fallu que 18 jours pour que ce nombre double. Il a doublé à nouveau pour atteindre 400 000 cas au cours des 20 jours suivants ». Des chiffres à relativiser car les capacités de test des États africains ont considérablement augmenté au cours des derniers mois. « 44 pays africains [sur 54] peuvent désormais effectuer des tests au Covid-19. Au début de l’épidémie, seulement deux pouvaient le faire », relève l’OMS. L’Afrique du Sud, qui avait pourtant imposée très tôt un confinement très strict de sa population, reste le pays le plus touché, avec plus de 215 000 cas recensés, soit plus que la France, qui compte 10 millions d’habitants de plus. La véritable crise à venir sur le continent, où un tiers des habitants, soit 425 millions de personnes, vivent sous le seuil de pauvreté (avec moins de 1,90 dollar par jour en parité de pouvoir d’achat), sera plutôt économique, selon un rapport publié mardi par la Banque africaine de développement (BAD). « Entre 28,2 et 49,2 millions d’Africains pourraient basculer dans l’extrême pauvreté » cette année et l’année prochaine, selon les scénarios de la BAD, suivant la durée et l’ampleur de la récession économique. L’institution de développement, basée à Abidjan, anticipe une importante récession économique pour le continent, avec une contraction du PIB de 1,7 % à 3,4 % cette année. Soit une perte de 5,6 à 7,3 points par rapport aux prévisions de croissance avant la crise du Covid-19, qui étaient largement positives. C’est le Nigeria, pays le plus peuplé d’Afrique avec 200 millions d’habitants, qui devrait voir s’accroître le plus la pauvreté. Entre 8,5 et 11,5 millions de Nigérians devraient tomber dans l’extrême pauvreté en 2020, dans ce pays très dépendant de son secteur pétrolier durement touché par la crise économique mondiale et la chute des prix de l’or noir, informe france24.com.
La pandémie de covid-19 pourrait générer 20 millions de nouveaux pauvres en Afrique
La pandémie de Covid-19 a entraîné une perte de 2,5 points du produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique et pourrait engendrer quelque 20 millions de nouveaux pauvres à travers le continent, a déclaré mercredi à Dakar la secrétaire exécutive de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) des Nations unies, Vera Songwe. « La Covid-19 a engendré une chute massive de notre PIB d’à peu près 2,5%. Et [concernant] l’augmentation de la pauvreté, nous estimons, à la CEA, que nous allons avoir à peu près 20 millions de personnes qui vont tomber en dessous du seuil de pauvreté », a dit l’économiste camerounaise lors d’un point de presse de la CEA et de l’Agence française de développement (AFD), sur les « enjeux économiques actuels » du continent. « Nous avions déjà 48 millions de personnes vivant sous le seuil de pauvreté », a-t-elle souligné en présence du directeur général de l’AFD, Rémy Rioux, qui a entretenu les journalistes de la contribution de l’agence qu’il dirige à la résolution des crises sanitaire et économique engendrées par la Covid-19. Il y a quelque 29.000 cas de Covid-19 et environ 11.000 décès causés par la maladie à coronavirus en Afrique, a indiqué Mme Songwe, soulignant que ces statistiques sont « en dessous de ce qui avait été prévu » pour le continent, concernant cette pandémie. Selon la secrétaire exécutive de la CEA, en Afrique, la maladie a fait plus de dégâts économiques qu’il n’a engendré de difficultés d’ordre sanitaire. Le bilan de la pandémie n’a pas encore atteint le niveau qui avait été prévu en Afrique en raison de « la fermeture rapide des frontières » dans plusieurs pays, a-t-elle dit. La maladie a toutefois engendré des conséquences économiques « fâcheuses », des pertes estimées à près de 82 milliards de dollars (environ 47.453 milliards de francs CFA), touchant principalement les petites et moyennes industries, le transport aérien, l’industrie touristique et pétrolière, ainsi que l’exploitation des matières premières, selon Vera Songwe. Elle estime que « tous les pays africains ont trouvé des réponses à cette crise en puisant dans leurs ressources budgétaires, indépendamment de l’aide extérieure », lit-on dans les colonnes de l’Agence de presse sénégalaise.
« Une relance économique durable »
Selon Mme Songwe, les solutions recherchées par les pays du continent ont permis à 75% d’entre eux d’avoir une situation macroéconomique « suffisamment robuste » pour résister à la crise et arriver à une activité économique beaucoup plus soutenable. La secrétaire exécutive de la CEA évalue à mille milliards de dollars américains (environ 578.618 milliards de francs CFA) les besoins d’argent liquide du secteur privé africain pour sortir de la crise économique engendrée par la pandémie de Covid-19. Le secteur public des pays du continent a également besoin d’autant d’argent, a dit Vera Songwe, invitant l’AFD et les autres institutions financières à répondre favorablement aux sollicitations du secteur privé africain et à financer les projets majeurs d’investissement qui, selon elle, sont quasiment à l’arrêt. « Plus de 500 millions d’euros (327,9 milliards de francs CFA) ont été mobilisés par l’AFD en trois mois, en faveur du continent, au titre de l’initiative ’Santé en commun’ lancée le 2 avril dernier », a indiqué Rémy Rioux. Selon lui, l’Agence française de développement a pris l’engagement de « mobiliser 1,2 milliard d’euros (787,1 milliards de francs CFA) d’ici à septembre 2020 », en faveur des économies africaines. Trois mois après son lancement, l’initiative « Santé en commun » a permis de financer 29 projets élaborés en guise de riposte à la pandémie de Covid-19 dans 23 pays africains, pour un total de 512 millions d’euros (335,8 milliards de francs CFA), selon le directeur général de l’AFD. Une partie de ce montant, 57 millions d’euros (37,3 milliards de francs CFA), est constituée de dons, et l’autre, s’élevant à 455 millions d’euros (291,9 milliards de francs CFA), est l’objet de prêts octroyés à des Etats et banques de développement partenaires de l’AFD, a-t-il détaillé. Les fonds provenant de l’Agence française de développement servent à protéger les pays bénéficiaires des effets économiques, sanitaires, environnementaux et sociaux de la pandémie de coronavirus, selon M. Rioux. « Ces financements aident à faire face à l’urgence sanitaire et à préparer (…) une relance économique durable », a-t-il dit, conclut, le média public sénégalais.
Moctar FICOU / VivAfrik