Par Didier Gix
237 millions d’africains ont faim, cela représente 30 % des populations souffrant de la faim à l’échelle de la planète. La faim dans le monde progresse, une personne (1) sur sept (7) soit près de 820 millions d’êtres humains a faim. Plus de la moitié des pays africains ont besoin d’aide alimentaire, et les régions les plus touchées augmentent, ainsi la carte réalisée par les Nations Unies, permettant de connaitre la situation mondiale des pays les plus vulnérables, indique une progression de la faim en Afrique. Malgré l’impulsion des pays africain, et la déclaration de Malabo de 2014 pour l’autosuffisance alimentaire et l’éradication de la faim d’ici à 2025, 40 millions de personnes souffrent de la faim et vivent dans une situation d’insuffisance et d’insécurité alimentaire.
Le SMIAR (Système mondial d’information et d’alerte rapide), actif depuis les années 70, établit une cartographie mondiale des problématiques d’insécurités alimentaires dans le monde, en 2019, sur 41 pays en surveillances, 31 pays étaient africains. Les problématiques sont différentes en raison de leurs situations géographiques et géopolitiques, certains subissent le manque d’eau dû à la sécheresse, comme le Kenya et la Somalie, d’autres sont confrontés aux conflits armés et politiques et à la difficulté d’importer. Mais le plus inquiétant ce sont les pays qui depuis plus de 50 ans sont toujours sous le seuil de la suffisance alimentaire et de sécurité alimentaire, ainsi L’IPC (Cadre intégré de classification de la sécurité alimentaire), classe le Sud Soudan, la Somalie, le Yémen en » état de famine », avec près de 1.5 millions d’enfants proches de la mort.
Au Sud soudan, les dirigeants politiques sont responsables de l’appauvrissement des populations par la famine, dans un pays où seules les guerres ont engendré le manque et l’insuffisance alimentaire. Trois (3) ans de guerre, avec souvent l’interdiction et le vol des aides humanitaires. En 2016, les pays en insuffisance alimentaire étaient des pays sous conflits armés. En 2017, le sud Soudan est un Etat en famine, les populations fuyant la guerre n’ont pas d’autres choix que de fuir dans les pays limitrophes. Les populations se retrouvent alors dans des pays déjà touchés par la sécheresse et la désertification des terres et l’insécurité alimentaire, comme la Somalie, l’Erythrée. Ainsi ce sont 700 000 personnes déplacées et déracinées qui subissent la sécheresse et les guerres. Depuis la guerre du Biafra dans les années 70 qui a fait un (1) million de mort, les sécheresses et les conflits armés sont toujours présents sur les mêmes pays avec pour certaine une accalmie ne leur permettant pas de se relever. Des pays comme le Sud Soudan ne sont pas en manque d’eau et bénéficient de richesses comme le pétrole, une manne financière permettant d’investir dans une agriculture durable et une sécurité alimentaire stable.
L’organisation de la famine par les dirigeants africains
En 1966, la guerre du Biafra, avec ses rivalités ethniques entre d’un côté le Général Yakubu Gowon et de l’autre les Igbos, a symbolisé l’instrumentalisation de l’aide humanitaire comme une arme politique. Les deux camps ont utilisé la privation des aides humanitaires pour affaiblir les populations dans les zones ennemies. Aujourd’hui, le président Salva Kiir utilise au Sud Soudan la faim comme outil de nettoyage ethnique, en pillant les aides humanitaires. Le gouvernement demande 10 000 milles dollars à chaque travailleur humanitaire étranger, ainsi les permis de travail des ONG sont passés de 100 dollars à 10 000 dollars. L’Etat soudanais justifie cette augmentation comme levier pour renflouer les caisses de l’état. La Somalie avec les Shabab qui sont un groupe terroriste, organise et contrôle les populations en rejetant toutes aides humanitaires afin d’exercer une domination par le chantage alimentaire sur les populations. Au Yémen, la guerre dure depuis 5 ans, sous blocus de l’Arabie saoudite et où son dirigeant le prince saoudien Mohammed ben Salmane vient de remettre 930 millions de dollars à l’ONU après avoir organisé le blocus, un moyen détourné de faire le bien, après avoir créé la pénurie.
En 2016, 148 milliards de dollars ont été recensés comme le coût du détournement, de la fraude et de la corruption d’aides au développement aux pays africains. La déclaration de Dakar en 2018, de l’Association des Autorités Anti-corruption, demandait au pays membres de l’AAACA (association des autorités Anti-corruption d’Afrique) de collaborer avec les différentes banques africaines afin de réduire ce fléau. Les politiciens africains et leurs implications dans les différentes guerres ethniques ou territoriales entretiennent un flou dans l’existence ou non d’une famine dans leurs pays, une option utilisée politiquement à des fins d’instrumentalisation. Biafra (Nigéria), Somalie, Ethiopie, 50 ans de famine, de guerre et de manipulations politiques, la faim est devenue une arme de guerre en Afrique.
Les risques liés à la vente des terres agricoles
Des attaques d’une autre nature sont présentes en Afrique, ainsi la Corée du Sud, la Chine et l’Arabie saoudite, négocient la location ou la vente des terres arables en Afrique avec les dirigeants africains. Madagascar, 2010, deux ans après l’affaire Daewoo-Logisitic pour la location de 1.3 millions d’hectares pour 99 ans, loués pour 1.5 dollar à l’hectare par an à l’entreprise sud-coréenne, avec une première tentative par le régime Ravalomanana de changer la constitution avec le programme politique et le référendum, permettant l’utilisation des baux emphytéotiques pour la vente des terres à des étrangers. Les investissements sont de l’ordre de 50 milliards de dollars, et représentent également plus de 50 millions de terres arables que les pays étrangers veulent s’accaparer, pour alimenter leurs propres marchés, avec en majorité des matières premières pour l’alimentation humaine et la production de bio-carburant. Ainsi, ce sont des pays en développement (Ethiopie, Soudan) sous perfusion d’aides alimentaires de la PAM (Programme alimentaire mondial) et au bord de la famine qui verront leurs terres spoliées par des pays qui organiseront le transport de produits agricoles dans les ports sous les yeux des populations.
Les dirigeants africains et plus particulièrement ceux situés sur la corne de l’Afrique suivent les groupes financiers internationaux et les groupes agro-industriels pour créer de l’agriculture d’exportation dans des pays en famine. Depuis la crise de 2008, ce sont 5% de terres soit 50 millions d’hectares mis en location et la vente à des pays où des consortiums agro-industriels, veulent consolider en offshore l’alimentation de leur pays au détriment des populations en insuffisance alimentaire.
Les guerres ethniques, la vente ou la location des terres africaines à des pays étrangers, multinationales financières ou agro-alimentaires, privent l’Afrique d’une agriculture de subsistance, car les paysans ne peuvent plus produire sur leurs propres terres. Les Etats africains en famine ont besoin de moyens financiers, pour pouvoir acheter de la nourriture, et l’aide humanitaire demande des infrastructures d’acheminement et des moyens logistiques qui bien souvent sont déficients dans des pays en guerre depuis plus de 50 ans. L’Aide est souvent bloquée avec aucune volonté de distribution sur les populations qui sont dominées par les pouvoirs en place.
L’autosuffisance alimentaire en Afrique
La survie et la résilience du continent africain passent par la transformation des agricultures locales et par une agriculture raisonnée. Dès 2003 le PDDAA (Programme détaillé pour le développement de l’agriculture africaine), prévoit l’attribution de 10% des dépenses publiques des Etats africains dans les programmes de développements agricoles. Les objectifs sont l’amélioration de la productivité des agricultures africaines, notamment par le développement des fermes agricoles dans les régions et les sous régions, permettant ainsi la création de marchés et l’accès aux exportations par le recours à de nouvelles techniques. Le Sénégal, sous la présidence d’Abdoulaye Wade, lança en 2008 la GOANA (la Grande Offensive agricole pour la nourriture et l’abondance) avec pour objectif l’autosuffisance alimentaire sur des produits les plus consommés comme le riz. Le Sénégal consomme 600 000 MT par an et en produit 250 000 MT, la différence étant importée. Avec la crise de 2008, les prix à l’importation se sont envolés, faisant passer le sac de riz de 50kg de 12€ à 30€. Treize (13) ans plus tard, les efforts de productivité permettent au Sénégal d’atteindre les 500 000 MT de riz par an.
L’Union africaine, avec l’Agenda 2063, a une vision du continent visant à une harmonie totale en matière de création d’emploi, de qualité de vie, de formation et d’agriculture durable. L’Afrique avec ± 60 % des terres arables dans le monde pourrait atteindre l’autosuffisance alimentaire, mais le continent a la plus faible pluviométrie. En 2016, les pays du Sud Sahel se sont donné pour objectif la réhabilitation de 100 millions de terres cultivables, mais il faut compter sur les problèmes de déforestation qui lavent les sols, le manque de nutriment des terres, de matériels et l’absence de formation durable à l’agriculture du 21ème siècle.
L’Afrique centrale et équatoriale, qui bénéficie d’une pluviométrie favorable avec les différentes saisons des pluies, développe une agriculture de subsistance individuelle et collective, d’autres pays comme le Sénégal où il ne pleut que deux mois par an, ont la chance d’avoir un fleuve permettant des cultures et une agriculture à grandes échelles. Chaque pays a ses spécificités et développe une agriculture en fonction de paramètre qu’ils ne maîtrisent pas, que sont les guerres, les pluies, et le développement social de leurs pays.
Le gaspillage alimentaire dans le monde
750 milliards $, c’est le montant stratosphérique du gaspillage alimentaire dans le monde et un (1) milliard $ c’est le montant qu’il faudrait investir sur le continent africain pour subvenir aux premiers niveaux d’alimentation de subsistance. La France à elle seule, avec ses 16 milliards de gaspillage alimentaire par an, pourrait apporter le premier (1) milliard pour la première phase d’autosuffisance en Afrique. 0.3% du PIB mondial, soit 267 milliards $ permettrait de mettre un terme à la faim dans le monde d’ici à 2030. Investir sur les personnes dans la formation, augmenter la production agricole et investir dans la santé sur les populations les plus faibles. Utiliser les ressources durables et les faire fructifier en améliorant l’alimentation de base. Construire des infrastructures routières pour le développement des échanges, et le déplacement des populations et développer des zones d’installation durable pour le maintien des populations sur des terres leur permettant une substance alimentaire durable. Début 2020, 150 millions d’enfants souffrent de malnutrition dans le monde, dont 59 millions en Afrique.
Didier Gix, Directeur général recrutement cadres Afrique, Spécialiste du continent Africain sur des fonctions de direction et d’exploitation.