Le gouvernement sénégalais accentue sa croisade contre les sachets plastiques et compte mettre définitivement fin au péril plastique en appliquant la nouvelle loi N°2020-04 à partir du 20 avril prochain 2020. C’est du moins ce qu’a affirmé avec fermeté Abdou Karim Sall, ministre de l’Environnement et du Développement durable le 4 février 2020.
Le projet de loi adopté par l’Assemblée nationale en janvier dernier pour éradiquer le « péril plastique » au Sénégal va entrer en vigueur à partir du 20 avril prochain et sera appliquée dans la « rigueur », a-t-il déclaré.
Cette nouvelle loi relative à la prévention et à la réduction de l’incidence des matières plastiques sur l’environnement abroge celle de mai 2015. Cette dernière interdisait la production, l’importation, la détention, la distribution et l’usage des sachets plastiques à « faible micronnage ».
Fermeté, détermination et engagement, telles sont les postures adoptées par le ministre de l’Environnement et du développement durable. Abdou Karim Sall veut, avec ses collaborateurs, en finir avec un fléau qui dégrade l’environnement et cause à la population d’énormes dégâts dans le domaine de la santé : le péril plastique. Et pour y arriver, M. Sall veut aller vite. Droit dans ses bottes et flanqué de quelques-uns de ses collaborateurs, le temps d’un déjeuner avec la presse, le troisième ministre de l’Environnement de Macky Sall est en mode « fast track » et ne compte pas se départir d’une telle posture. Son objectif demeure l’application de la Loi 2020-04, dès le 20 avril 2020, soit trois mois après sa publication au Journal officiel.
A l’en croire, le texte devant entrer en vigueur le 20 avril « concerne la gestion rationnelle des déchets plastiques, en plus d’être une illustration de la volonté renouvelée du gouvernement du Sénégal d’éradiquer la pollution plastique », a précisé Abdou Karim Sall.
La détermination et la fermeté se perçoivent chez ce ministre lorsqu’il affirme sa conviction que «la loi est faite pour être appliquée». Résultat : pas de répit en vue pour les éventuels contrevenants. Puisque Abdou Karim Sall annonce que «cette loi sera appliquée dans toute sa rigueur. Nous n’allons laisser aucun marché, aucun grossiste en rade». Avec la mise en place d’équipes de volontaires de l’environnement, le ministère de tutelle compte faire «des descentes, des saisies et il y aura des amendes».
Le département de l’Environnement et du développement durable veut rompre avec les vieilles habitudes de nos concitoyens pour ne pas avoir à revivre «l’échec» de la loi N°2015-09 du 04 mai 2019 qui réprimait aussi la prolifération des déchets plastiques. Cet échec ne serait pas, d’ailleurs, étranger à l’augmentation des importations de sachets plastiques de l’ordre de 20% et d’un accroissement de la production avec un taux de 7%. D’où l’objectif de l’Etat de faire naître une «nouvelle conscience citoyenne» à travers sa campagne d’information, de sensibilisation et de communication en direction des populations et autres acteurs du milieu industriel concerné par l’usage et la production des sachets plastiques.
Pour une bonne appropriation de la nouvelle loi par les citoyens, cette campagne va durer trois mois et sera rythmée de Crd (Comités régionaux de développement) auxquels seront associés les Forces de défense et de sécurité ainsi que les services du ministère du Commerce. Même les foyers religieux seront mis à contribution.
Pour un succès de la mise en application de la nouvelle loi 2020-04, Abdou Karim Sall ne compte pas lésiner sur les moyens. Aussi, le ministre annonce-t-il que le gouvernement ira jusqu’au bout de sa ferme «volonté renouvelée à éradiquer la pollution plastique» en ne laissant transparaître aucune faille, tout le contraire de la loi N°2015-09 du 04 mai 2015. En attestent, les 15 articles (Article25 à 39) de la nouvelle loi, qui sont relatifs à la répression.
« Cette nouvelle loi est ambitieuse »
Le nouveau texte instaure « l’imposition d’une taxe sur les matières plastiques non recyclables, afin d’inciter à l’utilisation de matières plastiques recyclables, et l’interdiction d’importer au Sénégal des déchets plastiques ».
Toutes ces mesures font dire à Abdou Karim Sall que « cette nouvelle loi est ambitieuse ».
« Son adoption (…) par le gouvernement et son vote à l’unanimité des députés renforcent l’idée que les enjeux qui s’attachent à cette loi sont bien compris par tous. Aujourd’hui, le défi à relever, c’est la réussite de son application. Et pour cela, chaque citoyen devra jouer sa partition », a poursuivi M. Sall.
« Nul n’ignore aujourd’hui que la pollution causée par les matières plastiques peut avoir des effets nuisibles sur la terre, les mers et les océans et les autres cours d’eau », a-t-il souligné.
D’« importantes lacunes » dans la loi de 2015 —
Le Sénégal n’est pas épargné par le « péril plastique », a-t-il fait remarquer, affirmant que la loi de 2015 n’a pas permis de réduire la pollution engendrée par les matières plastiques. « Le plastique est toujours utilisé et jeté dans la nature, souvent après un seul usage. Ce qui est plus grave encore, les importations de produits plastiques ont augmenté de 20% alors que la production industrielle de plastique connaît une hausse de 7% », a souligné M. Sall.
La loi de 2015 comportait d’« importantes lacunes » liées à son « champ d’application » qui est « étroit » et à l’impossibilité de distinguer à l’œil nu les sachets plastiques interdits de ceux qui ne le sont pas, selon le ministre de l’Environnement et du Développement durable.
La nouvelle loi interdit l’usage de certains produits plastiques à usage unique et des « produits plastiques jetables ». Elle instaure « le bannissement total des sacs plastiques sortis de caisse » et « la consignation des bouteilles en plastique, afin notamment d’améliorer la collecte de ces contenants », a précisé M. Sall.
A cela s’ajoute l’obligation pour les producteurs de matières plastiques de gérer les déchets issus des produits qu’ils mettent sur le marché et d’incorporer du plastique recyclé dans la fabrication de produits plastiques neufs, a-t-il expliqué.
Le « péril plastique », l’un des plus graves problèmes environnementaux
En plus, « cette pollution affecte souvent de façon irréversible la vie sauvage, les activités économiques, dont la pêche et l’élevage, mais les êtres humains que nous sommes », a ajouté le ministre de l’Environnement et du Développement durable.
Le « péril plastique » est considéré par certains comme le plus grave problème environnemental auquel l’humanité est confrontée, après le réchauffement climatique et l’érosion de la diversité biologique, selon M. Sall.
La production mondiale de plastique, qui ne cesse de croître, est soutenue par une forte demande et a atteint 359 millions de tonnes en 2018, a-t-il dit sur la base de données fournies par PlasticsEurope, qui regroupe les industriels européens du plastique.
La production mondiale devrait, au regard des récents investissements de l’industrie du plastique, augmenter de 40% d’ici à 2030, a-t-il ajouté.
Moctar FICOU / VivAfrik