La sécurité alimentaire préoccupe au premier plan l’ONG Greenpeace. La raison ? Le poisson est de plus en plus « détourné » vers les usines de farine. Ces industries de farine et d’huile de poisson connaissent aujourd’hui un grand essor en Mauritanie, au Sénégal et en Gambie. Dans le même temps, les ressources halieutiques diminuent au large de ces pays d’Afrique de l’Ouest.
L’Organisation non gouvernementale qui lutte pour la protection de l’environnement se désole ainsi de la menace qui pèse sur la sécurité alimentaire. Elle estime que trop de « poisson détourné ». La Mauritanie en héberge la majorité des usines de farine, 33, réparties entre Nouakchott et Nouadhibou. Au point que le pays a multiplié par deux ses exportations de farine de poisson en quatre ans (128 000 tonnes en 2018), doublant le Maroc. Destination : les élevages de poissons de Chine, de Grèce ou de Turquie. Même tendance pour l’huile de poisson mauritanienne, dont la moitié part en Europe, le tiers en France, comme complément alimentaire, les fameux Omega 3.
Autre pays, autre constat. Au Sénégal l’Association de promotion et de responsabilisation des acteurs de la pêche artisanale maritime, l’Aprapam, dénonce la « prolifération incontrôlée des usines de farine » qui destructure tout le secteur. Six unités ont vu le jour de Saint-Louis à Joal en passant par Dakar, dont quatre sont actives aujourd’hui. Trois se sont également installées en Gambie. Il suffit que les usines offrent un tout petit peu plus d’argent aux pêcheurs pour que le poisson ne rejoigne plus les marchés de consommation. Et il s’agit le plus souvent de poisson entier, pas seulement d’abats de poisson.
Enfin, l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), s’alarme d’une diminution des stocks de petits pélagiques, au large des trois pays ouest-africains, en particulier de sardinelles, une espèce qui rejoint les usines de farine. « Il faut arrêter d’avoir des pêcheries ciblées pour fabriquer des farines, estime François Chartier, chargé de campagne Océans chez Greenpeace, joint par RFI. Le problème c’est qu’il n’y a pas de gouvernance de la pêche en Afrique de l’Ouest, déplore-t-il. La commission sous-régionale des pêches n’a aucun pouvoir. » Ce sont les citoyens qui commencent, comme en Gambie, à contester les nuisances de ces usines souvent rudimentaires qui ont des dégagements toxiques, en particulier l’ammoniaque, issu de la fermentation des poissons.
Moctar FICOU / VivAfrik