Le réseau Deep Decarbonization Pathways (DDP) qui a publié un article dans la revue Nature Climate Change entend remettre de l’orthodoxie dans la lutte contre le dérèglement climatique. En effet, « chaque pays doit avoir une stratégie de long terme pour lutter contre le changement climatique, faute de quoi les engagements pris à Paris resteront lettre morte ». Suffisant pour DDP de proposer un mode d’emploi pour construire ces stratégies.
Dans un communiqué de presse parvenu à VivAfrik, le réseau DDP note que les « trajectoires de décarbonation profonde (sont) un outil pour rendre les plans et les actions cohérents avec la science du climat ». L’article publié dans la revue Nature Climate Change vise à « montrer comment ses travaux peuvent aider à organiser les débats sur le changement climatique au sein de la société, à prendre des décisions permettant de rendre les actions des pays cohérentes avec la science climatique et, finalement, à assurer le soutien du public en faveur des politiques et mesures nécessaires », lit-on dans le texte.
Qui précise que le réseau DDP est un groupe d’équipes de recherche constitué en 2014 pour construire et discuter des stratégies nationales de long terme compatibles avec des objectifs climatiques ambitieux. Il opère aujourd’hui dans près de 40 pays, sous la coordination de l’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI).
« Dans tous les pays que nous avons analysés, nous avons démontré qu’il est possible de parvenir à une « décarbonation profonde » d’ici 2050 et de le faire tout en répondant aux objectifs et priorités socio-économiques de chaque pays. L’article s’appuie sur les leçons tirées de ce travail scientifique pour décrire notre cadre de construction des trajectoires qui pourrait être adoptée largement par les pays construisant leurs stratégies pour atteindre les objectifs climatiques globaux », a expliqué Henri Waisman, coordinateur de l’initiative DDP à l’IDDRI et premier auteur de l’article.
La recherche conduite par le DDP répond au nouveau contexte politique défini par l’Accord de Paris sur le Climat qui demande aux pays de formuler leurs « stratégies de développement à long terme à faibles émissions de gaz à effet de serre » (cf. art. 4.19) cohérentes avec l’objectif global d’atteindre la neutralité en émissions de gaz à effet de serre aussi tôt que possible dans la deuxième moitié du 21ème siècle. Le cadre de construction des trajectoires du DDP assure que ces stratégies reflètent les circonstances nationales et les objectifs de développement prioritaires et qu’elles peuvent être utiles pour la mise en discussion avec les décideurs politiques et les parties prenantes.
« Les équipes du Deep Decarbonization Pathways ont fait un travail remarquable avant l’Accord de Paris et depuis lors, en démontrant les opportunités d’un avenir bas-carbone pour chaque pays et en soulignant l’importance de la coopération internationale », a de son côté soutenu Laurence Tubiana, PDG de la Fondation européenne pour le climat. Pour Valérie Masson-Delmotte, coprésidente du GIEC : « Les travaux du réseau Deep Decarbonization Pathways complètent et renforcent l’évaluation du rapport spécial du GIEC sur un « réchauffement planétaire de 1,5°C ». Ils montrent comment construire concrètement, dans différents contextes nationaux, des stratégies vers la neutralité carbone qui vont de pair avec le développement durable », détaille les auteurs du document.
Selon le communiqué, l’approche DDP peut fournir une base pour que les sociétés débattent de toutes les questions fondamentales ci-dessous, pour parvenir à une évaluation commune des objectifs et des politiques qui sont réellement en phase avec la science du changement climatique et pour répondre ainsi aux attentes de la société pour une action concrète et efficace dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Comment chaque pays, région, ville ou entreprise privée peut-il justifier que ses objectifs d’atténuation des émissions, sa stratégie et ses actions sont « cohérents avec la science climatique » ? Comment les différentes composantes de la société doivent-elles se transformer et comment ces différentes transformations interagissent-elles? Quelles actions et politiques devraient être mises en œuvre immédiatement afin de déclencher les transformations nécessaires au fil du temps ? Dans quelles conditions la décarbonation profonde peut-elle soutenir l’agenda du développement durable et être cohérente avec les priorités socioéconomiques, telles que définies par chaque pays, chaque région et chaque ville ?
Abordant la situation en France, notre source révèle que ce pays est en train de préparer une loi inscrivant l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 parmi ses objectifs.
« Cet objectif, conforme à l’Accord de Paris, implique des changements importants dans de nombreux secteurs économiques, dans la production agricole et l’alimentation, dans les habitudes de consommation et de mobilité qui, à ce stade, ne sont pas encore suffisamment engagés sur la voie de la décarbonation », a souligné Michel Colombier, directeur scientifique de l’IDDRI et co-auteur de l’article dans le texte.
« Alors que la crise sociale de ces derniers mois en France souligne les injustices et la précarité, alors que les jeunes Français s’impliquent dans la grève scolaire pour le climat, le gouvernement, mais aussi l’ensemble des acteurs économiques et territoriaux doivent définir des stratégies de long terme. Les travaux publiés dans cet article du réseau Deep Decarbonization Pathways peuvent être un support et un guide pour ce travail sur les stratégies », conclut le communiqué.
Moctar FICOU / VivAfrik