Le Mozambique qui est menacé par des risques d’épidémie après le passage du cyclone Idai continue de pleurer ses maux. Le pays voit le bilan de cette catastrophe s’alourdir. Plus de 400 morts selon le ministre de l’Environnement, en visite à Beira, ville particulièrement touchée et située dans le centre du Mozambique, dans la province de Sofala. Les habitants assistent néanmoins à l’arrivée de l’aide alimentaire visant à renforcer leur résilience.
Une grande partie de la province de Sofala reste toujours aujourd’hui sous les eaux, ce qui fait craindre des risques d’épidémie. Le Mozambique a donc déclenché un plan sanitaire d’urgence.
« Des équipes sur le terrain font de la surveillance épidémiologique. Des maladies ont commencé à apparaître comme le paludisme. Il n’y a pas de choléra mais nous avons vu des diarrhées, ce qui est parfaitement normal dans une situation comme celle-ci où les gens ont dû quitter en urgence leur foyer », explique Ussene Isse, directeur national de l’assistance médicale au ministère de la Santé.
Les autorités essayent en conséquence de mettre en place un mécanisme de prévention, poursuit-il : « D’abord nous avons des médecins, des techniciens, sur le terrain qui font de la prévention. Ils informent les populations de mesures d’hygiène individuelles et collectives de base : comment collecter les déchets, utiliser des latrines, et se laver les mains. Nous apportons également du chlore pour les populations sans eau potable. Enfin, nous construisons des latrines et creusons des fosses, loin des habitations pour enterrer les déchets. »
En attendant, dans la ville de Beira, de nombreux sinistrés sont toujours sans domicile, forcés de dormir sur des containers, les gradins d’un stade de basket-ball ou sur une scène en plein air.
Une situation qui contraint l’Organisation des Nations unies (ONU) se tirer la sonnette d’alarme. Les secours s’organisent peu à peu dans la deuxième ville du pays, détruite à 90%, selon les agences humanitaires. Et la situation reste tendue. Le chef de l’opération Rescue South Africa a dénombré trois incidents sécuritaires jeudi 21 mars 2019, « tous liés à la nourriture ».
Ainsi, le secrétaire général de l’ONU António Guterres a appelé dans un communiqué la communauté internationale à multiplier les dons pour les milliers de rescapés du cyclone Idai en Afrique australe.
« Nous devons tous affirmer notre solidarité avec les populations du Mozambique, du Malawi et du Zimbabwe », a-t-il déclaré. « Je voudrais faire un appel fort à la communauté internationale pour accentuer le soutien » à ces pays, a-t-il précisé, rappelant que l’ONU avait dégagé 20 millions de dollars en première aide d’urgence. « Cependant, une bien plus grande aide internationale est nécessaire », a souligné.
Les journalistes présents à Beira rendent compte de l’ampleur du désastre : la ville portuaire, située à l’embouchure des rivières Pongwe et Buzi, a été presque entièrement noyée. Et les secours s’organisent doucement face à l’étendue des tâches qui leur incombent. Non seulement dans la ville, mais tout le long des cours d’eau sortis de leur lit qui ont ravagé les alentours, villages, récoltes, et routes comprises.
Les sinistrés se comptent en centaines de milliers, 600 000 pour le seul Mozambique, selon l’ONU. Et ils sont démunis de tout, avec des prix qui s’envolent, alors que des centaines de survivants secourus dans les campagnes viennent peu à peu les rejoindre.
Dans son briefing quotidien vendredi 22 mars, le porte-parole de l’agence humanitaire de l’ONU a fait état d’une certaine tension qui règne désormais dans la ville, avec des gens privés d’eau potable et de nourriture depuis des jours et qui donc, parfois, se servent où ils le peuvent.
Alors que la décrue commence doucement, un témoignage recueilli par des journalistes étrangers fait craindre le pire pour les jours qui viennent : un homme qui est parvenu à rejoindre le Zimbabwe par la route dit avoir vu des centaines de cadavres sur 6 km de route, émergés après le retrait des eaux.
Problèmes de financement
Sous les eaux, ce sont toutes les infrastructures de base de l’Etat qui ont été englouties dans les zones inondées, écoles, routes, hôpitaux, électricité. Or dans l’état actuel des choses, financièrement, la reconstruction n’est pas possible. C’est ce qu’explique Celeste Banze, économiste et enquêteuse du centre mozambicain pour l’intégrité publique.
« C’est un processus de reconstruction qui n’était pas prévu dans le budget de l’Etat. Il n’y avait pas de liquidités suffisantes pour faire face à des catastrophes naturelles de cette ampleur. Donc, c’est tout un contexte où le pays se trouve déjà fragilisé de par le manque d’appui à son budget et souffre d’un certain isolement par rapport aux financements de la communauté internationale », explique Celeste Banze.
Le pays ne pourra donc pas répondre aux besoins des populations qu’avec de l’aide internationale. Mais le Mozambique est marqué par des scandales de corruption à répétition. Les donateurs sont donc réticents. Celeste Banze estime que c’est une opportunité pour exiger la transparence de l’agence nationale de gestion des calamités, l’INGC. « L’INGC, dans un moment comme celui-là doit surtout faire preuve de plus de dynamisme et montrer que ses comptes sont transparents parce qu’il existe beaucoup de réticences à canaliser des dons vers l’INGC à cause du manque de transparence dans sa gestion ».
Pour l’heure, les agences humanitaires estiment que le Mozambique pourrait à court terme compter jusqu’à 2 millions de sinistrés.
Pourtant, les habitants de Beira font preuve d’une grande résilience. Déjà, ils s’organisent pour remettre leur ville sur pied. Dimanche 24 mars dernier dans la matinée, un peu plus d’une centaine de jeunes nettoyaient les rues et un centre de santé, près la cathédrale de Beira.
Dans une école du quartier Vaz, un quartier pauvre de la périphérie, le Programme alimentaire mondial (PAM) a distribué de la nourriture, dimanche, à une centaine de familles réfugiées dans le bâtiment scolaire. Devant les grilles, des dizaines de femmes se sont réunies. « Nous avons faim aussi ; nos maisons sont toujours là mais nous n’avons plus rien ». Lundi, l’école rouvrira ses portes et les familles refugiées devront, elles aussi, chercher de nouveau, abri et nourriture.
Nous devons manger immédiatement la nourriture parce que nous n’avons pas d’électricité pour la conserver mais les produits frais viennent de Chimoio et d’autres provinces. Comme les routes sont bloquées, ils n’atteignent pas Beira. Et puis, je pense qu’il y a un certain opportunisme de la part des commerçants parce que je ne m’explique pas pourquoi les prix ont tant flambé.
Moctar FICOU / VivAfrik