Interview de Madame Maimouna Aminata Diagne Fondatrice et Présidente de la Plateforme d’Accompagnement et de Réinsertion des Immigrés Sénégalais (P.A.RI.S)
Ils sont nombreux ces jeunes sénégalais de la Diaspora qui caressent le rêve de revenir apporter leur pierre à l’œuvre de développement économique et social de leur pays. Beaucoup souhaitent revenir s’installer à leur compte dans leur pays de départ. Toutefois, le saut dans l’inconnu ne réussit pas à tout le monde. Rares sont ceux qui arrivent à mener à terme leur projet tellement l’aventure entrepreneuriale reste un chemin parsemé d’embuches. Seuls les plus déterminés parviennent à réaliser leur rêve.
Dans cette interview, Madame Maimouna Aminata Diagne Fondatrice et Présidente de la Plateforme d’Accompagnement et de Réinsertion des Immigrés Sénégalais (P.A.RI.S) revient sur les contraintes au retour/réinsertion des sénégalais de la diaspora et sur la touche particulière que son organisation apporte au mouvement associatif de la diaspora pour faciliter le retour.
« Les immigrés sont les premiers bailleurs de fonds à l’échelle international avant même que le FMI ne s’implante pour apporter son concours aux Etats. »
Vivafrik.com : Madame la Présidente, pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs et nous faire l’économie de la présentation de votre association ?
Maimouna Aminata Diagne : Je suis Maimouna Aminata Diagne, Fondatrice et Présidente de la Plateforme d’accompagnement et de réinsertion des immigrés sénégalais (P.A.R.I.S). Je dirige par ailleurs MAD HOLDING SERVICES active dans le domaine de l’agriculture durable en distribuant des pluies solides, c’est-à-dire, des produits phytosanitaires qui visent à contrer la famine et l’immigration en milieu rural en augmentant la productivité des récoltes. Mat Holding services représente au Sénégal le Groupe ANET International connu dans le domaine du rebound forest et l’investissement productif dans l’agriculture.
La Plateforme P.A.R.I.S a pour objectif de donner aux immigrés la place qui leur revient ici au Sénégal. Il faut reconnaitre que les immigrés sont les premiers bailleurs de fond à l’échelle international avant même que le FMI ne s’implante pour apporter son concours aux Etats. Nous sommes de jeunes leaders très influents dans des activités et qui gèrent chacun sa structure. Tout ce que nous voulons c’est d’apporter une ère nouvelle dans les mouvements associatifs de jeunesse et de montrer que l’Afrique peut décoller d’elle-même. Cette vision repose fondamentalement sur quatre volets d’accompagnement des immigrés. Le premier volet, c’est de l’accompagnement intellectuel ; quand on sait que plus de 80% des immigrés ont un faible niveau d’instruction pour ne pas dire des non instruits. Nous les accompagnons dans la rédaction de leurs projets, dans la mise en relation avec les institutions officielles étatiques d’envergure comme le Fond d’Appui à l’Investissement des Senegalais de l’Extérieur (FAISE), le Fond National de Garantie des Investissements Prioritaires (FONGIP), la Délégation à l’Entreprenariat Rapide (DER) etc, afin qu’elles puissent financer leurs projets et parallèlement faire un suivi de leurs investissements. Pourquoi ? Parce qu’on a constaté que pas mal de fois, des immigrés qui décident de revenir dans leur pays investissent dans un secteur déterminé et quelques mois après, tout ce qu’ils ont investi part en fumée. Ils sont obliges de retourner dans leur pays d’accueil pour pouvoir refaire fortune et revenir chez eux. Donc pour éviter ce genre de déboires, et cette perte de temps, nous avons décidé de les accompagner pour leur investissement et un suivi d’investissement.
Le deuxième volet est un accompagnement psychosocial à travers le développement personnel. Car il y a énormément de pression sociale ici au Sénégal. Quand vous revenez et que vous n’avez rien, c’est la famille elle-même qui vous regarde de travers avant même que votre entourage ou le voisinage n’intervienne. Donc pour ceux là, nous avons prévu des ateliers de formation, des conférences qui traitent de développement personnel, de choses positives afin qu’ils puissent retrouver leur place dans la société.
Le troisième volet, c’est l’accompagnement technico-politique parce que la gestion de la Cité mérite une formation digne de ce nom pour combattre cette politique politicienne qui sévit dans notre pays.
Et enfin, le quatrième volet, c’est de combattre l’immigration clandestine qui représente un fléau pour notre continent car il faut reconnaitre qu’en 2022 le capital humain sera africain. Donc il est normal et c’est l’heure au fait de déclencher la sonnette d’alarme pour que nous puissions nous dire que nous sommes les seuls et véritables acteurs du développement de notre continent.
Nous lançons un appel international à toutes les autorités internationales parce qu’il y a un bureau Exécutif établis en France déjà, il y a P.A.R.I.S France, P.A.R.I.S CANADA, Paris Montréal. La Plateforme est en somme, une initiative de jeunes leaders très engagés à apporter notre pierre à l’édifice par rapport au développement économique et social de notre pays.
Quelles sont les contraintes spécifiques au retour et à la réinsertion des sénégalais de l’extérieur que vous avez identifiées ?
Les contraintes c’est avant tout l’intégration. Il y a deux types d’expatriées. Il y a des expatriées qui sont nés en France par exemple, qui ont grandi là-bas, et qui veulent rentrer au Sénégal, leur pays d’origine. Il y a des expatries qui quittent le Sénégal, partent en France, font leurs études là-bas, et qui reviennent. Ce sont là deux catégories d’expatriés qui ont besoin chacune d’un accompagnement spécifique. Leurs problèmes, c’est de connaitre comment marche le pays, de petites choses basiques, nos plats traditionnels etc. C’est de petites choses dont ils ont besoin qui permettent ce brassage interculturel et leur intégration dans la société. Un exemple très banal, savoir que le vendredi on doit avoir l’habitude se mettre en tenue traditionnelle.
Pour l’insertion socioprofessionnelle des diplômés qui reviennent, on va dire que leur insertion est moins compliquée si on connait des personnes, si on a des contacts. Mais si par malheur on ne connait personne, il est très difficile de s’insérer au Sénégal. Donc l’insertion est le premier handicap pour les expatriés, à trouver une place dans la société sénégalaise.
L’insertion représente le 1er obstacle. Et même quand ils s’insèrent, ils ne sont pas intégrés dans la société. Ils ont des comportements qui ne vont pas avec les comportements de la société sénégalaise actuelle. Ils ont des exigences professionnelles qui ne répondent pas forcement aux exigences du Sénégal. Parce qu’il faut reconnaitre que de l’autre coté, c’est 8 H de travail alors qu’ici, on a même du mal à trouver du travail sur lequel se concentrer, et se donner à fond parce qu’on travaille plus pour la forme que pour le fond.Ca c’est d’une part l’insertion socioprofessionnelle.
La seconde contrainte, c’est l’adaptabilité, l’environnement, le climat. Il y a beaucoup de choses qui ont un impact et c’est la raison pour laquelle on a prévu un accompagnement psychosocial pour ce volet.
Comment se fait concrètement l’accompagnement pour l’insertion économique des expatriés étant donné qu’on ne s’improvise pas entrepreneur du jour au lendemain ?
Nous sommes en étroite collaboration avec des institutions mises en place par l’Etat pour accompagner les porteurs de projets comme je le disais tantôt. Nous sommes juste un support, une plateforme de mise en relation avec ces institutions là. Nous travaillons de manière très bénévole, et comme je vous l’ai dit nous sommes de jeunes leaders très engagées, et nous sommes tous des entrepreneurs, tout ce que nous voulons c’est d’apporter une touche très particulière au mouvement associatif concernant l’immigration. Parce que nous ne pouvons pas être spectateurs de certaines choses. Si toutefois on acquière de l’expérience de l’expertise, et qu’on ne le partage pas, ca ne sert absolument à rien. Ca n’a aucun sens, Il faut dire également qu’il y a des expatriés qui ne sont pas au courant de l’existence de ces institutions là. Ce qui fait que nous sommes aussi une plateforme d’information par rapport à ces institutions qui sont disposées à accompagner ces expatriés. Nous avons aussi dans notre Plateforme, de jeunes leaders qui ont un savoir faire dans tous les domaines que ce soit dans l’agriculture, dans l’immobilier etc, et qui sont qui sont disposés à partager ce savoir faire avec les expatriés porteurs de projets.
Le terme développement durable revient souvent dans votre discours. En quoi ce que vous faites a un caractère de développement durable ?
Le 18 décembre dernier, c’était la journée internationale de l’immigration. J’ai eu l’honneur d’être choisie par la Direction Générale des sénégalais de l’extérieur comme maitresse de cérémonie et la Plateforme P.A.R.I.S Sn a aussi exposé. Le thème c’était le « développement inclusif » que moi j’appelle communément le développement durable. Pourquoi ce sujet a été élucidé cette année-ci ? Parque encore une fois, les premiers bailleurs de fonds ce sont les immigrés. Les accompagner, et faire un suivi de leurs investissements, ca doit mobiliser toute l’attention de nos autorités, et c’est déjà le cas. Le thème de cette année montre qu’ils aspirent à apporter une nouvelle touche par rapport à la gestion du patrimoine des immigrés. Monsieur Babacar BA que je remercie au passage qui est le Président de l’Alternative citoyenne qui a fait une très belle intervention a été un ancien Directeur Général de la Banque Of Africa (BOA). Il a expliqué qu’il fallait mettre en place une banque de la Diaspora. Parce que chaque instant ou nous parlons, il y a une somme qui quitte un pays x pour le Sénégal. Cet argent là on doit l’exploiter de manière très objective, c’est-à-dire l’investir dans un secteur bien précis, afin qu’il puisse y avoir un retour sur investissement, parce que quand vous investissez et qu’il y a rien en retour, à un certain moment, on peut se retrouver sans rien. Par contre, c’est quand il y a un retour sur investissement que nous disons que l’investissement est très productif, d’où un développement durable.
Quel regard portez-vous sur les instruments étatiques de promotion de l’investissement productif de la Diaspora?
Personnellement ce sont des initiatives que je salue. Parce que les autorités sont conscientes que la jeunesse c’est le patrimoine d’un pays. C’est tant mieux pour cette jeunesse à condition qu’elle soit consciente elle-même. C’est une jeunesse consciente qui est en mesure d’entreprendre et se dire oui effectivement je ne dois pas me poser la question de savoir qu’est-ce que mon pays a fait pour moi, mais qu’est-ce que moi j’ai fait pour mon pays. Si mon pays pose les premiers jalons pour que moi je puisse m’investir, je dis que ce sont des initiatives à saluer. Le Directeur général des sénégalais de l’extérieur monsieur Sory Kaba a bien précisé lors de la journée internationale de la migration qu’a partir de cette journée il y aura une nouvelle ère dans la gestion des immigrés au Sénégal. Donc on peut dire que ca donne un souffle rassurant à la diaspora, qui est aussi à l’écoute parce que cette tranquillité psychologique est essentielle pour nous. Mieux encore, elle est importante lorsqu’elle est objective pour que nous ne sentions pas que ce ne sont que des promesses.
Sauf que ces instruments étatiques ont des limites objectives par exemple en termes de plafond de financement ? Où en êtes-vous avec le projet de Banque pour la Diaspora ?
Laissez-moi vous dire que la politique de migration actuelle est rassurante. Des institutions ont été mises en place pour accompagner les initiatives entrepreneuriales de la Diaspora. C’est vrai, le FAISE a un seul canevas avec un plafond de 15 millions de FCFA. Mais par ailleurs, il y a le FONGIP qui peut apporter sa garantie pour le financement de projets plus importants de 20 millions,
50 millions, 100 millions, à condition que ce soient des projets qui sont rentables. Ce sont des projets qui méritent d’être bien étudiés étant donné que ce sont des fonds qui proviennent du budget de l’Etat et qui donc appartiennent à tous les sénégalais. Si ces fonds garantissent des projets, il faudrait que ce soient des projets bénéfiques, créateurs de richesse et d’emplois derrière et dont la rentabilité est avérée.
Pour revenir à votre question, le 11 décembre dernier, il y avait une rencontre à Paris avec le FONGAST INVEST qui est une institution qui réfléchit sur comment booster la diaspora sénégalaise. Lors de cette rencontre, le sujet de la nouvelle banque a été soulevé. Je peux vous dire qu’actuellement, il y a des institutions bancaires qui réfléchissent par rapport à ce gros projet de banque de la Diaspora.
Regardez ce que font les chinois. Les chinois de France c’est la Bank of china qui les finance, et c’est pour un retour sur investissement productif. C’est les chinois qui donnent de l’argent aux chinois. Nous c’est ce que nous voulons avoir pour les sénégalais de l’extérieur. Ca nous permettra de mieux gérer et de mieux sécuriser ce qui nous revient de droit.
Sur quoi peut-on vous attendre les jours et mois à venir ?
Nous préparons le lancement d’une caravane de sensibilisation sur l’immigration clandestine qui va être initiée les prochains jours. Parallèlement nous travaillons à consolider nos forces avec la Fédération des sénégalais de retour et avec des associations de la Diaspora nées avant nous pour qu’il y ait plus de cohésion et de synergie autour de la même cause. Nous sommes en train de tenir des réunions pour voir comment ajuster nos dates en tenant compte des élections électorales qui contrarient quelque peu toutes les programmations.