Afrique : bâtir le développement sur le potentiel du sous-sol

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Par Jean-Mathias Kouemeko

Mal classé dans les statistiques mondiales du développement économique et industriel, le continent africain regorge pourtant de minerais stratégiques susceptibles de lui autoriser de meilleures performances. À condition cependant que les intérêts des pays africains ne soient plus sacrifiés à l’autel de déchirements internes souvent pilotés à partir de l’étranger.

L’Afrique, dit-on, est un scandale géologique et minier. Selon un rapport Price Waterhouse Coopers (PwC) publié en 2017, les régions qui ont le plus connu le développement des projets d’exploration minière à travers le monde sont au nombre de 17, dont 4 d’Afrique. Sur le continent, avec 5% du budget mondial de l’exploration, l’Afrique de l’Ouest est le premier bénéficiaire des investissements en exploration minière en 2016. Le Ghana pour son or, ses diamants, sa bauxite et son manganèse, occupe la tête du peloton et en tire 5% de son Produit national brut (Pnb) représentant environ 35% de ses exportations.

Ghana, Afrique du Sud et RDC pèsent 11%

Dans le même sillage, la Guinée Conakry attire les compagnies étrangères du fait de ses importantes réserves de bauxite représentant la moitié de celles connues dans le monde. Les autres pays de l’Afrique de l’Ouest, à l’instar du Niger, avec ses importantes réserves de diamant, de la Côte d’Ivoire, du Mali et du Burkina Faso, avec leurs réserves d’or, constituent des destinations prometteuses pour les compagnies d’exploration.

La deuxième place continentale revient à l’Afrique du Sud avec 4% des investissements mondiaux dans l’exploration minière en 2016. Riche en or, platine, diamant, uranium, charbon…, le pays de Nelson Mandela est traditionnellement le pays africain le plus actif sur le marché international des minerais. De ce point de vue, sa compagnie privée AngloGold Ashanti Limited figure dans le top 40 mondial en 2016, selon le PwC. Au soir du premier trimestre 2017, la Chambre des mines   indiquait que le secteur minier a contribué à hauteur de 12,8% au Produit Intérieur Brut du pays.

En troisième position arrive la République Démocratique du Congo (Rdc) bénéficiaire de 2% du budget mondial de l’exploration minière en 2016. Ici, or, étain, cobalt, cuivre, coltan (record de production de 2414 tonnes en 2016, selon la Banque centrale du Congo), diamant ou encore manganèse, sont autant de ressources qui attirent les investisseurs. Il faut souligner que la RDC partage cette position avec l’Afrique de l’Est. Outre l’Ethiopie, Madagascar, la Tanzanie et le Kenya, le Rwanda est connu pour sa richesse en coltan, or, tungstène, béryl, étain, cobalt, fer et lithium.

Au cœur des innovations technologiques

Certes, le recensement de ces ressources du sous-sol africain ne saurait être exhaustif. Mais, il serait logique de penser que ces trésors sont capables d’accélérer le rythme de croissance des pays africains. Surtout dans un environnement industriel et économique mondial fortement marqué par la course aux innovations technologiques et à la conception de nouveaux procédés industriels intimement liées à la recherche des minerais dits stratégiques.

Par définition, les minerais stratégiques dont regorge en abondance le sous-sol africain, sont vitaux pour les industries civiles et de défense. Ils induisent un niveau de dépendance élevé envers d’autres pays, se trouvent dans un environnement économique et sécuritaire vulnérable ou potentiellement instable et sont exposés à la raréfaction et à la non-substituabilité.  Les minerais stratégiques devraient donc constituer de précieuses sources de devises pour les pays africains en raison de leurs applications spécifiques et à grande valeur ajoutée.

A titre d’illustration,  le titane est amplement demandé par l’aéronautique, le blindage et les alliages ; le germanium  est essentiel dans l’électronique avancée ;  le cobalt, le mercure et le diamant  sont utilisés dans le développement du nucléaire et des instruments de mesure ;  la platine est indispensable dans la fabrication des contacts et des conducteurs pour l’avion ; le coltan est un minerai recherché  dans la mise sur pied  des technologies de l’information et de la communication, notamment les procédés de production de la téléphonie mobile ;  le magnésium est destiné au montage des explosifs et le cuivre, lui, reste une composante sans pareil pour la fabrication des conducteurs électriques.

La gouvernance est d’or

Dans son ouvrage intitulé « Minerais stratégiques. Enjeux africains » paru aux Presses Universitaires de France, Apoli Bertrand Kameni se fait le devoir de souligner qu’en temps de paix, l’approvisionnement en minerais stratégiques est l’une des conditions fondamentales de développement économique, industriel et scientifique. Malheureusement, après l’analyse approfondie de la cartographie des minerais stratégiques en Afrique, ce chercheur relève que les États situés sur la ligne Pretoria-Ndjamena (Afrique du Sud, Botswana, Zambie, République démocratique du Congo, République Centrafricaine et Tchad) sont les plus soumis aux forces centrifuges antagonistes et déstabilisatrices, exacerbées par la concurrence entre puissances extra-africaines.

Toutefois, il reviendrait aux États africains de prendre toute la mesure de la résurgence organisée des poches de conflits et de créer en interne des conditions de gouvernance susceptibles de rallier toutes les sensibilités nationales à la construction de la paix et des visions de développement communes. Car, en éliminant les frustrations et les égoïsmes de toute nature, le sous-sol pourvoira et contribuera inéluctablement tant à la construction de l’Afrique qu’à l’amélioration des conditions d’existence des Africains.

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