Le Parc National de la Kéran, se meurt à cause d’une désertification avancée due à l’intensité de la production du charbon de bois. Il suffit de voyager à travers le Togo pour constater le dégât. Des montagnes de charbon de bois et des centaines de sacs contenant ce charbon jonchent les bords de la route nationale au niveau de la réserve de la Kéran. Du « Carrefour Gando», jusqu’à la réserve, c’est rien que de gigantesques élévations de charbon de bois qu’on aperçoit. Cette activité de destruction intensive de l’environnement n’est pas efficacement prise en compte dans les politiques de protection du patrimoine forestier. Pourtant, il suffit de continuer la route pour voir des singes et autres animaux qui offrent un splendide spectacle d’une parfaite symbiose entre eux et la nature.
Les monts Togo du sud-est de la Kéran comme pour marquer et renforcer le décor constituent un atout pour la survie des espèces protégées, mais l’effet destructeur de l’homme fait que les animaux apparaissent rarement. La production des combustibles solides entraîne, selon un responsable de la Direction de l’Environnement, une perte annuelle de plus de 25 000 hectares de forêt au Togo.
« Nos forêts naturelles et réserves ont subi un niveau de dégradation tellement élevé à cause de la production du charbon de bois. Il y a seulement 30 ans, la réserve de la Kéran était une attraction. Mais aujourd’hui, la production du charbon de bois a amené les gens à couper anarchiquement les arbres. », a-t-il déploré.
Il a aussi ajouté qu’à leur niveau, des mesures certes se prennent sur papier, mais que dans les régions, les conservateurs manquent d’outils adéquats. « La sensibilisation n’a plus son effet, surtout que des alternatives efficaces ne sont proposé aux riverains et aux producteurs de charbon de bois. Pour mettre fin à cette production anarchique, il faut trouver une autre activité aux producteurs de charbon de bois, car cette activité est leur métier », a-t-il expliqué, avant de préciser que la coupe du bois et la production du charbon de bois restent une activité très florissante dans les zones rurales et péri urbaines, au détriment des petites réserves forestières.
Selon Sambiani, un producteur de charbon de bois non loin de la réserve de la Kéran, il ne coupe pas les arbres de la réserve de la Kéran, mais aux alentours de la réserve. « Je suis producteur de charbon de bois depuis que je suis jeune. Je nourris ma famille avec ce que je gagne de cette activité. Nous ne rentrons pas dans la réserve pour couper les arbres et produire le charbon. Je ne vis que de ça. », a-t-il déclaré avant de reconnaître que certains producteurs coupent nuitamment des arbres dans la réserve.
Les autorités politico-administratives semblent prendre à bras le corps ce phénomène. Ce sont les militaires, les douaniers et des agents de l’environnement qui ouvrent les barrages à ces dizaines de camions qui font des navettes à longueur de journées pour desservir les consommateurs de charbon de bois. « Nous protégeons cette réserve, mais nous n’avons pas des outils adéquats. On manque aussi de personnel. Le parc fait plus de 120 000 hectares, on est combien ? Pendant qu’on patrouille au nord du parc, certains profitent pour couper du bois au sud de la réserve. Des fois on nous traite d’être de complices, mais ce n’est pas vrai », a expliqué le producteur du charbon de bois.
Les questions environnementales constituent une préoccupation pour toute la planète.En effet, la couverture forestière, selon le professeur Kokou Koami, chargé des questions forestières à l’Université de Lomé, était en juin 2011 de 7%, alors qu’elle devrait être de 30% selon les normes internationales citées par l’’Organisation internationale des bois tropicaux (OIBT). Le taux de déforestation est lui de 5,5% en cette même année. Il a ajouté que le faible taux de reboisement au Togo, alors que les besoins sont importants en raison de l’utilisation massive du charbon de bois par près de 80% de la population, constituent une menace pour la réserve de la Kéran.
« En bois d’énergie, les Togolais consomment 420.000 tonnes par an en moyenne. Ce qui correspond à 2.800.000 tonnes de bois détruits. Pourquoi autant ? Parce que les techniques de fabrication du charbon de bois sont dépassées. Pour 1kg de bois, on obtient 11% de charbon. Rendez-vous compte de la déperdition », a-t-il indiqué et de souligner qu’une vraie prise de conscience est nécessaire, non seulement de la part du gouvernement, mais aussi et surtout des togolais. (EAGLE-TOGO)