L’ONG Swisscontact a procédé à la formation de 6 500 jeunes nigériens aux techniques agricoles pour assurer la reconversion d’une jeunesse qui vit dans un pays où la déscolarisation est massive.
L’ONG Swisscontact, spécialisée dans la formation professionnelle a eu l’idée ingénieuse d’installé 28 de ces Sites intégrés de formation agricole (Sifa) dans quatre régions du Niger : Dosso, Maradi, Tahoua et Agadez où une formation initiale professionnelle est délivrée aux jeunes. La durée de la formation est de huit mois : quatre sur le site et quatre sur le champ de l’apprenant. « J’ai appris l’irrigation, le maraîchage, le greffage. Je connais plus de choses que mes parents, maintenant. Je veux m’installer à mon propre compte et devenir un grand producteur. Je suis très fier d’avoir appris ce métier », raconte Youssoufa Yaou, âgé de 15 ans et renvoyé de l’école à la fin du CM2. Parmi ses promotionnaires admis au collège, tous ont échoué. « Sauf un, qui est actuellement en cinquième », se dédit-t-il. De son côté, Samaïla Djimraou 16 ans n’a pas été épargné par le sort de Youssoufa Yaou. Il a grandi dans le jardin familial mais voulait compléter sa formation. Son père l’y a fortement encouragé. « Au début, je pensais que mon père connaissait tout et maintenant, je vois des choses que mon père ne fait pas bien ou ne connaît pas. Aujourd’hui, on discute », raconte-t-il. Ajoutant qu’il comptait partir au Bénin ou au Nigeria après son échec au CM2. « Mais j’ai décidé d’aller au Sifa d’abord. » Le jeune homme a déjà commencé à mettre ses connaissances en pratique : « Je pense que je vais trouver mon compte dans le jardin. » « Quand on a rencontré les jeunes agriculteurs, ils disaient tous qu’ils ne faisaient rien. Pour eux, l’agriculture, ce n’était pas un métier », raconte Saibou Garba Ali, responsable ingénierie de la formation à Swisscontact. Avec le Sifa, il a travaillé à faire changer cette mentalité avec ce cycle d’étude court, « leur permettant de travailler et d’avoir des revenus toute l’année, dans un esprit d’exploitation familiale. » Le Site intégrés de formation agricole fonctionne uniquement avec les moyens locaux. Pas de tracteur. Pour être admis, en revanche, il faut être propriétaire d’une terre à cultiver.
Avant la création du Sifa de Lokoko sis au sud du Niger, dans le département de Tibiri, région de Dosso, il n’y avait pas de jardin aux alentours. A l’heure actuelle, il y a plus de 400. « Tout le monde veut son jardin maintenant ». « C’est un porte-bonheur pour nous tous. On mange bien et le surplus, on le met sur le marché. Notre objectif, c’est que ces jeunes s’autonomisent et qu’ils ne partent plus en exode » se réjoui El Hadj Anaroua Oumarou, président du comité de gestion. Selon lui, l’apprentissage va de la graine à la récolte. Les cinq hectares du Sifa de Lokoko offrent donc toutes les étapes de la culture maraîchère, pluviale et arboricole, y compris la production de fourrage. On y apprend à préparer un pesticide bio en mélangeant des feuilles de neem, du savon, du piment et du tabac. « Si ça urge, on peut utiliser les produits synthétiques mais on privilégie les méthodes d’agro-écologie. L’objectif est de casser les coûts de production pour rester compétitifs », explique le responsable de la formation en production végétale, Souley Mamane par ailleurs professeur de production agricole au Sifa de Lokoko. Il enseigne la fabrication d’engrais artisanaux « pour casser les coûts de production et rester compétitifs ». Un espace est dévolu à l’élevage avec, dans le cheptel d’expérimentation, des moutons, des chèvres et de la volaille. On y enseigne le traitement de la paille, l’alimentation animale améliorée et l’hygiène vétérinaire, précise-t-il.
De l’avis du professeur Mamane, le Sifa produit ses propres semences et récupère le fumier des animaux. Les récoltes sont vendues par le comité de gestion, qui offre le repas de midi et paye les petites charges du site. Dans les locaux du Sifa, un bâtiment sert à enseigner la transformation des aliments, par exemple du manioc en tapioca ou du haricot en beroua, une semoule très consommée au Niger. D’autres sites enseignent l’extraction d’huile d’arachide et le séchage du chou, ou les activités connexes utiles, comme la fabrication de grillage et la réparation des moto-pompes.
Malick Garba, assistant technique en agriculture de la région de Dosso et agronome passionné explique que les élèves ont un cours d’alphabétisation et de calcul deux heures par jour, afin qu’ils soient en mesure de faire un compte d’exploitation à la sortie. Les Sifa sont en cours d’intégration dans le dispositif national de formation professionnelle au Niger. Pour le moment, ils sont adossés aux chambres d’agriculture, aux unions paysannes et aux communes. On estimait en 2016 à plus de deux millions le nombre de jeunes déscolarisés ou non scolarisés, pour 40 000 places disponibles chaque année en formation professionnelle dans le pays.
Moctar FICOU / VivAfrik