Le recours aux engrais en quantité suffisante dans l’agriculture permettra au continent noir de réaliser son rêve de devenir « futur grenier de la planète ». Ainsi, l’envol de l’agriculture africaine reste en grande partie tributaire de l’exploitation efficiente de ses terres.
Pour réaliser cet objectif, la Banque africaine de développement (Bad) a octroyé entre 2010 et 2015 un financement de 50 000 tonnes d’intrants agricoles au en faveur des petits cultivateurs à travers le continent. Sur la même longueur d’onde, la Bad revendique également l’amélioration de la gestion de l’eau sur plus de 180 000 ha ou encore de l’utilisation des terres sur plus d’un million d’hectares.
Mais en 2015, l’Afrique a utilisé en moyenne que 11 kg/ha de fertilisants contre 396 kg/ha utilisés par les agriculteurs en Asie et 159 kg/ha en Amérique latine. Une utilisation très insuffisante si l’on sait que le continent africain dispose de 65% des terres arables non exploitées au niveau mondial et la moitié des travailleurs tirent leurs revenus de l’agriculture. En termes clairs, l’Afrique est sous le diktat d’une intensification de la production et non de l’utilisation de nouvelles terres arables ou du recours aux fertilisants. En effet, l’usage d’engrais n’a que très peu évolué depuis 2010, se situant entre 25 et 27 kg/ha pour les exploitations industrialisées, et entre 12,4 et 14,9 kg/ha pour les exploitants à faibles revenus. Si l’on fie à la FAO, l’utilisation de 11 kg/ha de fertilisants en 2014 par l’Afrique reste loin des normes 50 kg/ha recommandées par l’agence onusienne. L’Union africaine (Ua) s’était engagée lors du sommet d’Abuja de 2006 à faire passer l’usage d’engrais de la moyenne de l’époque de 8 kg/ha, à 50 kg/ha en 2015. Un objectif jamais réalisé, puisque la moyenne d’utilisation de 2015 ne dépasse pas les 15 kg/ha. Ce qui plombe de jour en jour son agriculture.
A cela, s’ajoute l’usage insignifiant des intrants, ce qui constitue aussi un obstacle à l’envol des systèmes agricoles du continent. En cause notamment, le sous-développement des infrastructures rurales, l’insuffisance des installations de stockage post-récolte et l’inefficacité des traitements utilisés, avec comme conséquence la perte de 30% à 40% sur chaque récolte. La gestion des terres et des ressources agricoles, notamment en termes d’empreinte écologique, fait quant à elle craindre pour la pérennité du secteur : plus d’un quart des terres cultivées sont aujourd’hui «gravement dégradées», ce qui implique une perte équivalent à 3% du PIB/an à cause de la disparition de terres et de nutriments.
Moctar FICOU / VivAfrik