Depuis le durcissement de ton du Président Mahamadou Issoufou face à l’insalubrité de la ville de Niamey, les actions s’enchainent au niveau local. Au commissariat « Niamey Nyala » (Niamey la coquette), cette structure dont le programme est inscrit dans la politique de développement du Président, on a évoqué la mise en place d’une brigade sanitaire, brigade d’animaux, d’opérations villes propres, etc. Pour en savoir davantage, le haut-commissaire au programme « Niamey Nyala » a accepté de répondre aux questions de Niamey & les 2 Jours. Costume noir assorti d’une chemise blanche, l’air décontracté, c’est dans son joli bureau marqué par un message « Tous ensemble pour un Niamey Nyala » que Mouctar Mamadou a accepté à accorder interview à Guevanis Doh du journal agenceecofin.com. Efforts réalisés en termes d’assainissement, de gestion d’ordures, difficultés, faux pas, perspectives, tout est passé au crible, sans tabou, avec le haut-commissaire.
Bonjour Mouctar Mamadou, dites-nous, qu’est-ce que vous faites dans le domaine de la salubrité dans la ville de Niamey ?
La question de l’insalubrité dans les villes africaines est une problématique partagée. Bien entendu la ville de Niamey ne fait pas exception. Aujourd’hui, nous sommes dans une situation difficile à ce point de vue et cela nécessite une réflexion assez approfondie. Au programme Nyamey Nyala, nous avons pris le problème à bras le corps avec les communes d’arrondissement pour trouver une solution durable dans la ville. Ce qui fait que nous avons mobilisé les moyens de bord pour débarrasser la ville des ordures. Actuellement, nous sommes en train de mettre en place une stratégie qui consiste à résoudre ce problème dans les différents maillons. Dans un premier temps au niveau des ménages, dans un second, dans les zones de transit et dans un troisième temps au niveau de la décharge. Dans les ménages, nous avons plusieurs agents qui sont sur le terrain de manière informelle qui interviennent mais dont les interventions ne sont pas efficaces. Nous allons maintenant identifier ces agents, les regrouper, les former. Au niveau des zones de transit, il faut les identifier, qu’elle soit autorisées ou non. Une fois que cela est fait, on verra comment procéder pour que les mesures soient respectées parce qu’il y a des comportements de la population qui ne sont pas acceptables. C’est pour cela que nous allons mettre en place une brigade sanitaire qui va veiller au respect des règles. Cette brigade sera dotée d’un numéro vert bientôt opérationnel. Il y aura aussi une plateforme numérique et interactive dénommée « e-nyala » qui sera lancée et qui permettra à la population de participer à la gestion en informant cette brigade des velléités, des mauvais comportements. Il faut aussi noter que la gestion des ordures nécessite des moyens. Nous sommes en train d’avancer avec les moyens de bord. Mais, parallèlement, nous sommes à la recherche des ressources supplémentaires pour prendre en charge les ordures jusqu’à la décharge.
Quels sont selon vous les impacts du programme Niamey Nyala depuis sa mise en œuvre ?
Il faut noter que la ville de Niamey a connu un changement radical. Le programme a doté la ville de Niamey d’infrastructures d’équipements structurants. Il suffit de faire un tour dans la ville, vous allez remarquer en termes de voirie, d’échangeurs, d’équipements, c’est inédit. Même en Afrique, vous pouvez compter les villes qui ont été dotées en si peu de temps, d’infrastructures. Cela ne fait que commencer et ces efforts, nous allons les poursuivre.
Monsieur le haut-commissaire, parlant de changement, nous avons fait le tour de la ville. Le constat est là : beaucoup de déchets publics, de gros dépotoirs anarchiques comme dans la zone industrielle entre les deux camps militaires ou encore à côté de l’Abattoir frigorifique de Niamey (Afrin) où sont abattus les produits animaliers du pays. Quels moyens supplémentaires comptez-vous mettre en œuvre pour faire face à ce souci ?
Les déchets ne se sont pas entassés en un seul jour. C’est une accumulation. Chaque citoyen de la ville de Niamey produit quotidiennement 0,75 kg d’ordures. Nous avons à peu près 1000 tonnes de déchets par jour. Et si vous estimez les moyens dont dispose la ville pour évacuer ces déchets, ils sont de 40%. Ce qui veut dire que chaque jour, il y a 60% de déchets qui sont accumulés. La meilleure solution est la mobilisation des moyens déjà disponibles. Ensuite, la constance, la permanence dans le travail. C’est l’objectif que nous nous sommes fixés pour que nous puissions atténuer le problème. Aussi, faut-il développer des techniques de valorisation. Lorsque vous regardez les caractéristiques des déchets de la ville de Niamey, vous constatez que plus de 30% est constitué de sable, 20% des déchets plastiques. Il y a aussi des déchets organiques. En définitive, le déchet résiduel qui nécessite d’être rejeté dans la ville, c’est à peine 10 ou 15%. Une fois que les moyens de fonctionnement sont mis en place, il faut développer des techniques de valorisation de tri. Et ces tris, on peut les faire au niveau des centres de transit. Lorsque le mécanisme s’installe, il faut aller au-delà. Au niveau des ménages, cela permettra d’avoir moins de déchets dans la ville. Puis, on aura fait une économie de transport. Sur 1000 tonnes de déchets à évacuer par jour, nous serons amenés à évacuer 200 à 300 tonnes. Je vais vous dire très sincèrement que la prise en charge de la question des déchets de la ville n’est pas une course de vitesse. C’est une course de fond. Il faut emmener d’abord la population à comprendre la nécessité de s’y impliquer.
En faisant un tour au nouvel espace de loisir, au centre-ville, situé à côté du ministère de l’Elevage, l’on constate que malgré les efforts faits pour équiper et rendre disponible cet espace pour la population, les déchets rivalisent la place avec les occupants. Sûrement que c’est un réel défi pour vous. Dans la foulée, vous avez lancé tout dernièrement l’opération ville propre et la brigade des animaux. Parlez-nous en un peu plus.
Je reviens sur le comportement de la population. Il y a une habitude qui s’est installée. Le changement de comportement ne se fera pas en un jour. Néanmoins, nous avons mis en place une dynamique de communication et de sensibilisation. Et c’est pour y arriver que nous avons mis en place cette brigade des animaux errants. Les animaux se promènent un peu partout dans la ville. Dans les espaces aménagés, il y a plein d’arbres plantés qui ont été bouffés par ces animaux. Et avant que la brigade ne soit mise en place, nous avons fait des communiqués pour informer la population. C’est vous dire qu’en même temps que nous travaillons, nous essayons de mettre en place des dispositifs d’accompagnement pour que le travail soit valorisé et pour que la population s’approprie et s’implique quotidiennement dans la gestion urbaine.
Parmi les déchets, les sachets plastiques sont plus nombreux. Pourtant, le Niger a voté des lois interdisant l’importation et l’utilisation des sachets plastiques non dégradables. Qu’est ce qui est fait aujourd’hui en ce sens ?
Je salue la pertinence de vos questions. Effectivement, il y a une loi votée par l’Assemblée nationale interdisant l’utilisation des sachets plastiques. Ce qui a manqué, c’est le dispositif pour que cela puisse être mis en œuvre. Nous avons pensé à cela au programme Niamey Nyala. Nous avons actuellement aménagé un centre qui se trouve dans le deuxième arrondissement de Niamey. Il s’agit d’un centre de transformation des déchets plastiques. Cela va être bientôt opérationnel. Le bâtiment est construit. Une fois que cela sera opérationnel, nous allons mettre en place une campagne de sensibilisation dans un premier temps. Mais, il faut aussi proposer une alternative à la population, promouvoir les sacs biodégradables pour permettre à cette loi d’entrer en vigueur et bloquer l’importation des sachets non dégradables. En ce qui concerne les déchets, nous allons transformer les déchets plastiques en pavés. Et nous allons utiliser ces pavés pour aménager les espaces publics.
Un autre défi auquel est confronté la ville de Niamey, la problématique de l’assainissement, de la gestion des eaux pluviales. Après la pluie, les artères sont bondées de sable. Ce qui ne facilite pas la fluidité de la circulation.
La problématique de la gestion des eaux pluviales est également un défi commun à toutes les villes au monde. Il faut dire que l’urbanisation et la gestion des pluies sont souvent antagonistes. Plus on occupe la terre, plus on diminue le taux d’infiltration de l’eau. Ce qui fait qu’il y a d’eau de ruissellement donc d’inondations. La ville de Niamey connaît beaucoup ce problème. A cet égard, il faut une politique d’urbanisme qui prend en compte tous les services urbains essentiels dont la question de l’assainissement. Aujourd’hui au niveau du programme Niamey Nyala, il y a un mécanisme intéressant en termes d’approche. La capitale est structurée autour du fleuve Niger et de la vallée. Nous sommes en train d’aménager aujourd’hui cette vallée. Aussi, il y a un programme d’étude du schéma directeur de l’assainissement de la ville de Niamey qui est lancée. Cela permet d’inscrire cette problématique dans une vision qui consiste à prendre en compte les différentes dynamiques sur le terrain.
Toutefois, nous travaillons actuellement avec les arrondissements de la ville concernant le curage et l’entretien de certaines rues en mauvais état. Ceci, pour permettre aux usagers de ne pas avoir beaucoup de difficultés face à ce problème qui s’est accumulé au fil du temps.
Moctar FICOU / VivAfrik