La responsabilité sociétale des entreprises (RSE) ne doit pas rester une affaire de spécialistes, selon lesechos.fr.
Beaucoup d’articles sont régulièrement publiés concernant la RSE : de plus en plus d’acteurs du monde de l’entreprise s’accordent aujourd’hui sur son utilité. Chacun comprend bien en effet les avantages qu’on peut tirer en travaillant sur ce sujet : on agit sur le long terme et on consolide l’image d’une entreprise. Mais quand on rentre dans le détail, il faut reconnaître que certains mots-clés d’une démarche RSE approfondie peuvent effrayer : « cartographie de parties prenantes », « analyse de matérialité »… In fine, la RSE ressemble à une affaire de spécialistes. De même, il existe beaucoup d’articles sur le reporting RSE, qui expliquent pourquoi et comment le mettre en œuvre. Mais là encore, ils s’adressent à des spécialistes. Dans le monde de l’entreprise en général, il reste encore de nombreux doutes quant à l’intérêt d’une telle démarche pour autre chose que la communication obligatoire ou volontaire. Par voie de conséquence, les directions générales voient encore souvent ces sujets comme des vecteurs d’image et comme des affaires de spécialistes.
Les missions d’un directeur RSE sont d’ailleurs souvent décrites comme celles que l’on peut trouver sur le site de l’APEC : définition de la politique de développement durable du groupe, la mise en place des ressources (dont le reporting RSE fait évidemment partie), et la communication et lobbying. Le travail d’une direction RSE consisterait donc à définir la politique RSE de l’entreprise, à piloter son application et à communiquer sur les résultats obtenus. Une telle définition de cette fonction peut paraître complète, mais en la lisant bien, on comprend qu’elle n’est pas vue comme hautement stratégique, car la politique RSE de l’entreprise est présentée comme une politique parmi les autres : politique RH, politique achats…
Mais est-ce bien la réalité ? Pas si sûr !
Car ce qui compte d’abord dans une entreprise, n’est-ce pas son projet ? Or bâtir un projet d’entreprise est forcément global et à vocation durable. Dès lors, la question de la place de l’entreprise dans son écosystème est absolument centrale. Et c’est bien là le sujet de la RSE ! Il s’agit de positionner l’entreprise sur son marché dans sa globalité (vers quoi, avec quelles valeurs, avec qui et comment elle veut avancer ?), de coordonner les actions associées et de piloter les résultats obtenus. Comme le rappelle Martin Richter dans un de ses récents postes, l’ancien PDG de Danone, Franck Riboud, aborde très bien la problématique quand il dit : « la recherche maximale du profit n’est pas mécaniquement durable. La question n’est pas de savoir s’il faut ou non faire du profit, mais comment l’entreprise construit son profit dans la durée et comment elle l’investit, en tenant compte des contraintes et des intérêts de ses différentes parties prenantes. » C’est en cela que le reporting RSE a du sens : il s’agit en fait du reporting du projet d’entreprise au-delà et en complément des éléments financiers ! C’est la raison pour laquelle les spécialistes parlent maintenant de « reporting intégré » associant reporting RSE et reporting financier. Mettre en place une stratégie RSE et l’appuyer par un reporting cohérent, c’est se donner l’occasion de revisiter régulièrement le projet d’entreprise. Il s’agit d’un exercice salutaire et passionnant, qui contribue à la performance durable de toute entreprise.
En conclusion, la RSE et le reporting RSE ne sont pas que des outils de communication et des affaires de spécialistes, même si bien évidemment, les compétences internes sont indispensables et les apports des experts externes, souvent très utiles. Ce sont des démarches au cœur du projet de toute entreprise. Voilà pourquoi les directions générales ont tout intérêt à s’approprier le sujet !
Moctar FICOU / VivAfrik