« On ne construit pas une ville sans hammam. Est-ce qu’on peut vivre sans boulangerie ? Non ! C’est la même chose », s’exclame Khadija Kadiri, vice-présidente de l’association des propriétaires de hammams.
Elle gère l’établissement Rja Fellah, à Rabat, l’un des cinq premiers à s’être engagé dans le programme « Hammams durables ». Lancée en 2014 par deux associations, l’une française et l’autre marocaine, l’initiative vise à réduire la consommation d’eau et de bois de chauffe en modernisant les bains maures traditionnels. Le Groupe énergies renouvelables, environnement et solidarité (Geres) et Energie, Solidarité et environnement (EnSen) ont pu démarrer leurs projets de rénovation de hammams grâce au financement du Fonds français pour l’environnement mondial, qui a apporté un million d’euros, lit-on qans lemonde.fr. La plupart des marocains continuent de se rendre régulièrement au hammam. Autrefois seul lieu d’hygiène, les bains publics sont encore indispensables pour les ménages qui ne disposent pas encore de salle de bains à leur domicile. Et malgré l’avancée des « commodités » modernes dans les villes, la tradition du hammam est restée vivace. Il est de coutume de s’y rendre une fois par semaine, surtout pour les femmes, qui y trouvent un espace d’intimité, maintes fois visité par les auteurs et cinéastes. Ce cadre de peinture orientaliste est pourtant menacé par la hausse des prix du bois de chauffe, de plus en rare à cause de la déforestation et la surconsommation d’eau (120 litres en moyenne par usager) qui alourdit le coût de fonctionnement. « Le hammam, la mosquée et l’épicerie sont des repères. C’est la base de la vie du quartier », revendique fièrement Moha, un riverain du hammam Taj à Casablanca. S’il existe des hammams de luxe proposant des prestations qui n’ont rien à envier aux spas, celui-ci est, à l’instar de la plupart des 12 000 établissements recensés par le ministère de l’artisanat, un hammam populaire. Ici, le ticket d’entrée coûte 12 dirhams (1,1 euro). Le gouvernement essaie de mieux en encadrer l’activité des hammams à travers un programme de labellisation s’intéressant aux conditions d’hygiène, de travail des 200 000 employés du secteur, mais aussi à l’efficacité énergétique et environnementale.
Car le maintien de cette tradition marocaine a un coût très élevé. Ces bains publics contribuent à l’épuisement des ressources en eau et en bois, utilisé pour le chauffage. Il faudrait, selon le Geres, une tonne de bois par jour pour faire fonctionner un hammam de taille moyenne. L’ensemble du parc de bains publics traditionnels produit à lui seul plus de 3 millions de tonnes de CO2 chaque année. La combustion du bois comporte aussi des risques sanitaires, surtout pour le farnatchi, l’employé chargé d’alimenter les chaudières traditionnelles. C’est surtout ce coût environnemental qui a été mis en avant lors de la COP22 à Marrakech, qui a accordé son label au projet « Hammams durables au Maroc ». A ce jour seuls cinq hammams ont été rénovés dans le royaume, mais le chiffre devrait doubler d’ici la fin de l’année 2017. Les associations porteuses du programme espèrent atteindre 40 établissements avant la fin du programme en 2018. Le financement est le premier frein, même si le travail de sensibilisation consiste à souligner la rentabilité des investissements de modernisation. Car, tout en réduisant les conséquences environnementales néfastes et en améliorant la rentabilité de ces commerces, la finalité est de préserver une pratique sociale qui crée du lien dans les quartiers.
Moctar FICOU / VivAfrik