Les changements climatiques peuvent avoir des « effets néfastes » sur les écosystèmes forestiers marocains qui, « malgré leur diversité, sont très fragiles en raison de la pression accrue sur la ressource », a affirmé Abderrahmane Aafi, directeur de l’Ecole nationale forestière des ingénieurs (Enfi)
Si l’on se fie à libe.ma, les conséquences de ces changements seront, certes, écologiques, mais elles seront aussi économiques et sociales, a indiqué M. Aafi, ex-chercheur au Centre national de la recherche forestière et auteur de plusieurs ouvrages et articles dans le domaine, dans une interview accordée à la MAP.
Le changement climatique se manifeste, entre autres, par la précocité de la feuillaison et de la floraison (trois jours par décennie), le recul de la sénescence et la réduction de la croissance et de la production, a-t-il précisé. Au niveau national, la subéraie (forêt de chêne-liège) a perdu 13% de sa superficie entre 1938 et 2000, soit une perte de 60.000 ha, a-t-il fait savoir, ajoutant que l’exemple le plus frappant à cet égard est celui de la subéraie de la Maâmora où les changements climatiques, associés à des facteurs anthropzoogènes, ont entraîné la disparition de certaines espèces, notamment Erica arborea, et une régression en termes de superficie et de densité.
Dans le sud-ouest marocain, l’arganeraie (830.000 hectares), a, pour sa part, perdu le 1/3 de sa superficie, a-t-il signalé, relevant que la forêt d’Admine (Souss) a perdu, en l’espace de 17 ans, 10.000 ha, soit 582 ha/an, alors que le Rif a perdu entre 1966 et 1986 la moitié de sa couverture végétale. Le fléau des changements climatiques engendre aussi un dépérissement des forêts, selon cet expert qui évoque une extension du dépérissement de l’ordre de 37% de la forêt de Senoual, 22% de la forêt de Bekrit, 40% de la forêt d’Azrou, 37% de la cédraie d’Aghbalou Laarbi et 18% du massif de Jbel Aoua Sud. Ce dépérissement se manifeste par des pertes foliaires de 33 à 40% et des mortalités de branches de 37 à 50%, a-t-il expliqué, notant qu’un changement de 3 degrés Celsius peut entraîner le déplacement linéaire de toutes les ceintures de végétation vers les sommets et une remontée des zones arides et désertiques. Le phénomène entraîne aussi l’apparition de nouveaux ravageurs, leur déplacement altitudinal et l’évolution de leur statut agressif. Il s’agit d’un déplacement latitudinal d’une espèce européenne, Ipss exdentatus, de la famille des Scolytidae, caractérisée par ses attaques entre l’écorce et le bois des différentes espèces de pins, d’après M. Aafi. Ce ravageur, connu uniquement en Europe et au Proche-Orient, a été rencontré pour la première fois dans la forêt de pin de Tidiouine située au nord du Maroc, a-t-il enchaîné.
Ce fin connaisseur de la biodiversité a expliqué aussi qu’une fraction importante de la flore marocaine, qui compte environ 7.000 espèces connues dont plus de 4.500 espèces et sous-espèces de la flore vasculaire, réparties en 940 genres et 135 familles, est « représentée par la flore rare, menacée et endémique qui mérite une attention particulière ». L’état actuel des connaissances permet d’inscrire 1.641 taxa (espèces ou sous-espèces) sur la liste des plantes rares ou menacées du Maroc, dont plus de 75% sont très rares, a-t-il poursuivi, faisant savoir que ces changements se traduisent par la fragmentation et la destruction des milieux et des habitats de la flore, outre l’extinction et la migration des communautés végétales. Il a cité, dans ce cadre, des études antérieures qui estiment que 50% des zones humides (lacs naturels, lagunes, marais…) ont été perdues durant les 50 dernières années à cause du réchauffement climatique et de l’utilisation abusive de leurs ressources naturelles. Si le rythme de la pression anthropique et des changements climatiques se maintient, 22% de la flore marocaine risquent de disparaître à l’horizon 2050, a-t-il averti.
Moctar FICOU / VivAfrik