L’Ethiopie affronte la pire sécheresse en trente ans

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La sécheresse sévit sans cesse dans la Corne de l’Afrique et l’Ethiopie fait partie des pays qui payent le plus lourd tribut. Ainsi, plus de 10 millions de personnes ont besoin d’une aide alimentaire. Si la crise est plutôt bien gérée, la croissance économique – 10% sur la dernière décennie – va en pâtir.

Les premières pluies n’y ont rien fait si l’on se fie à letemps.ch qui a livré l’information. Dans l’est de l’Ethiopie, selon le journal, on croira à des jours meilleurs lorsque le bétail cessera de mourir. «J’avais 300 chèvres, il ne m’en reste que 30», comptabilise Usleye Eidle, entre deux huttes de fortune. Un geste du bras vers les habitations les plus éloignées, puis: «Il y a des carcasses partout.» Aux abords de Derela, où 300 familles se sont regroupées autour d’un point d’eau, on s’éloigne du village en slalomant entre les cadavres d’animaux. Ceux-ci, affaiblis par deux années de sécheresse, n’ont pas supporté quelques jours de pluie. Trop froid. «Il est trop tôt pour dire si ces pluies suffiront», conclut Usleye Eidle. Autour de lui, les autres opinent.

Pire sécheresse depuis trente ans

D’après l’ONU, l’Ethiopie fait face à la pire sécheresse depuis trente ans. La faute à «El Niño», particulièrement puissant ces deux dernières années, qui prive le pays de récoltes. Officiellement, 10,2 millions d’Ethiopiens, soit plus de 10% de la population nationale, ont besoin d’une aide alimentaire d’urgence. Plus de 450 000 enfants devront être traités contre la «malnutrition aiguë sévère», prévoit l’Unicef. Pour l’heure, promettent les autorités et les organisations humanitaires, personne ne meurt de faim.

Comprendre le phénomène «El Niño» en deux minutes

Au pouvoir depuis un quart de siècle, le régime actuel a une lubie: se débarrasser de son image de pays affamé. La famine de 1984-1985 a façonné une génération de politiciens, irrités que ces souvenirs continuent de prendre le dessus sur la «renaissance» du pays. Cela fait plus d’une décennie que le géant de la Corne de l’Afrique, deuxième population du continent avec 95 millions d’habitants, affiche une croissance économique à plus de 10%. Hors de question, donc, de laisser une sécheresse, aussi sévère soit-elle, rayer ce récit répété en boucle sur les antennes de la télévision nationale. «El Niño» devrait tout de même mettre un coup à la croissance abyssine. Le FMI, habitué à doucher les promesses du gouvernement éthiopien, table sur 4,6% pour 2016. Les autorités admettent une baisse sous la barre des 10%. Tous s’accordent sur un retour à la hausse l’année suivante.

Appel aux dons

En décembre dernier, Addis-Abeba lançait un appel aux dons: il faudra 1,4 milliard de dollars, en 2016, pour éviter le pire. A peine plus de la moitié de cette somme a pour l’instant été reçue. Les crises humanitaires ne manquent pas et «l’Ethiopie n’a pas pu attirer assez l’attention», regrette, dans son grand bureau de la capitale, Mitiku Kassa, ministre chargé de la gestion des catastrophes et de la sécurité alimentaire. Aucun problème, dit-il en substance, tout est sous contrôle. Pour l’heure, «cette crise est bien gérée», admet John Graham, représentant de l’ONG Save the Children. Le gouvernement a déjà injecté 766,7 millions de dollars sur ses propres fonds entre 2015 et 2016. Enorme, pour l’un des pays les plus pauvres du monde. «Si nécessaire, nous réorienterons le budget alloué au développement pour pallier l’urgence, mais ce sera en tout dernier ressort», assure Mitiku Kassa. «Ça n’arrivera pas», se reprend-il, «les pluies sont prometteuses et le nombre de personnes dans le besoin va diminuer». Avant, nous pouvions vendre nos animaux et acheter toutes sortes de choses au marché. Aujourd’hui, on mange ce qu’on nous donne.
A 500 km de la capitale, dans l’est du pays, Ibrahim Hared est moins enthousiaste. Le nomade a installé sa famille à Derela, il y a un an. Depuis, il attend, envoie ses enfants à l’école où ils reçoivent chaque jour un repas gratuit et guette le ciel en priant pour qu’il pleuve au-delà de quelques jours. «Même mon père n’a jamais vu une sécheresse pareille», murmure le berger. «Avant, nous pouvions vendre nos animaux et acheter toutes sortes de choses au marché. Du riz, des spaghettis… Aujourd’hui, on mange ce qu’on nous donne.» 15 kilos de blé ou de sorgho par personne et par mois. Lassant, mais suffisant pour maintenir tout le monde en vie. Le ciel se charge de nuages lourds, promettant des routes boueuses et impraticables pour les convois chargés de sacs de blé venus de l’étranger. Les rivières vont se gonfler, au moins pour quelques heures, interdisant l’accès à certaines zones reculées. La nourriture est pré-positionnée de façon à éviter les problèmes de logistique, promet le gouvernement. Si les pluies sont aussi bonnes qu’annoncées, il faudra vite reconstituer les troupeaux, pour les populations pastorales de l’est du pays, et surtout semer dans les champs pour les agriculteurs qui produisent 85% des céréales. Avec quoi? Les animaux sont morts et les graines ont été mangées. «Nous avons un programme pour cela», répond, sûr de lui, Mitiku Kassa. «Nous avons rassemblé des bêtes que nous gardons en quarantaine, nous les distribuerons le moment venu.» Il est aussi prévu de donner des semences. Assez pour tout le monde? Oui, promis.

Moctar FICOU VivAfrik

Avec letemps.ch

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