La voracité chinoise à l’égard des matières premières africaines n’a pas de limite : les minerais, le pétrole, la faune et la flore sont exploités de façon intensive. C’est le cas également du bois, dont 75 % de la production part pour la Chine, ce qui en fait la troisième matière première la plus importée par l’empire du Milieu.
lemonde.fr, dans sa livraison du 28 Mars dernier indique que selon l’ONG Greenpeace, qui vient de publier une enquête à ce sujet, une grande partie des forêts est exploitée illégalement. Le bois est exporté brut vers la Chine où il est transformé avant d’être réexporté essentiellement vers l’Europe. Le tout dans des conditions souvent opaques. Le Cameroun, le Gabon, la République du Congo et le Mozambique sont en première ligne. A en croire notre source qui s’interroge sur l’existence d’un paradis de commerce illégal du bois en RDC, Greenpeace s’est ainsi penchée en particulier sur le bois en provenance du Cameroun et du Congo. Avec plus de 250 millions d’hectares, le bassin du Congo abrite la deuxième plus grande forêt de la planète. Elle fait vivre plus de 75 millions de personnes qui en dépendent pour leur subsistance, tout comme des espèces animales menacées comme les gorilles et les chimpanzés.
De l’avis de nos confrères de pubs.iied.org qui ont confirmé la même information ajoutent que la Chine a besoin des forêts africaines et les investissements forestiers chinois croissent rapidement. La Chine est le plus grand importateur mondial de bois tropicaux ; récemment, elle représentait sans doute la moitié des arbres abattus en Afrique et exportés et 75 % des exportations totales africaines. Les investissements dans les zones boisées africaines sous forme d’agrobusiness, de mines et d’infrastructures, croissent également. Pourtant, les décisionnaires africains et chinois qui pourraient rendre ces investissements durables n’entretiennent que peu de contacts. Un nouveau partenariat Chine-Afrique, axé sur la gouvernance forestière, tente d’engager le dialogue : il traite le problème des coupes illégales et cherche à saisir les opportunités pour des investissements plus durables en matière d’affectation des terres – en commençant par le Cameroun, le Mozambique, l’Ouganda et la RDC.
L’enquête de l’ONG se concentre essentiellement sur la société camerounaise Cct (Compagnie de commerce et de transport) qui est le plus grand exportateur de grumes du pays. L’ONG a remonté la filière des forêts camerounaises au port chinois de Zhangjiagang à l’est de la Chine, où les importateurs profitent d’une législation particulièrement laxiste. Cette zone de libre-échange construite en 1992 se trouve à une heure trente à peine de Shanghai.Sur les quelque trois cents entreprises identifiées qui importent du bois d’Afrique, une trentaine concentre 80 % des volumes transportés. Parmi elles, Jiu Li Timber Industry, World Wood Trade, Allwin ou Huilong Goup… Il s’agit essentiellement d’entreprises de quatre provinces du Sud-Est : le Guangdong, le Zhejiang, Shanghai et le Jiangsu où se trouve le port de Zhangjiagang. C’est là, sur les rives du Yangtze, que se concentre l’essentiel de l’industrie chinoise du bois. Au total, le chiffre d’affaires de ces industriels du bois s’élève à 6 milliards des dollars.
Le journal lemonde.fr qui ne s’arrête pas en si bon chemin, revient à la charge et argue que le Gabon est partagé entre protéger et exploiter sa forêt. Mais le principal scandale de cette exploitation illégale est le commerce d’essences précieuses et protégées, comme le bois de rose en provenance de Madagascar. Un bois plutôt utilisé dans la fabrication de meubles pour une clientèle aisée. Dans le bassin du Congo existe plus de 10 000 espèces de bois tropicaux dont un tiers est endémique à cette région. Entre 2000 et 2013, près de neuf millions d’hectares de forêts ont disparu. Une catastrophe pour la biodiversité. Au Gabon par exemple, l’exploitation illégale de Kevazingo, un bois précieux, est particulièrement réprimée. L’an dernier, vingt-six personnes, dont cinq Chinois, ont été arrêtées près de Makokou, dans le Nord-Est du Gabon, dans le cadre de la lutte contre l’exploitation illégale. Le Gabon est l’un des principaux exportateurs de cette essence rare d’Afrique centrale avec près de 18 000 m3 exportés chaque année. Ce bois sert à fabriquer des meubles massifs, des parquets et moulures ou encore des instruments de musique.
La Chine ferme les yeux malgré le désastre qu’elle fait subir aux forêts africaines. Outre la demande en Kevazingo qui a explosé ces dernières années, faisant flamber son prix. Le mètre cube varie aujourd’hui entre 1 500 et 3 000 euros une fois en Chine, selon Luc Mathot, responsable de l’ONG Conservation Justice, à l’origine d’un rapport accablant qui dénonce une « véritable organisation mafieuse de blanchiment du bois et une corruption à tous les étages ». Ces pays sont devenus tellement dépendants de la Chine qu’ils acceptent toutes les conditions posées par leur principal client. Selon l’Institut international pour l’environnement et le développement (Iied), 90 % du bois du Mozambique part ainsi pour la Chine, dont la moitié proviendrait d’exploitations illégales. Si l’Union européenne et les Etats-Unis ont renforcé leur législation en matière d’importation de bois africain, la Chine en revanche ferme les yeux. Pour prévenir une déforestation sauvage, l’Iied a mis en place, il y a deux ans, un observatoire, qui réunit les autorités africaines, chinoises et les principaux forestiers du continent, conduisant la Chine à adopter un code de bonne conduite dans l’importation de bois d’Afrique. Pour les pays africains, cela doit aussi être l’occasion de mettre en place une industrie responsable du bois, aussi vertueuse que vitale pour leurs économies.
Moctar FICOU / VivAfrik