Eau chaude produite par la combustion de noyaux d’olives, remplacement des ampoules incandescentes par des LED, équipement en matériel peu énergivore, réduction importante de la consommation d’eau, chasse au gaspillage tous azimuts: Marrakech ne rougira pas d’accueillir la COP22, rapporte medias24.com.
La COP 22 accueillera en novembre prochain quelque 40.000 personnes. Nous avons enquêté auprès d’hôtels de la ville, pour voir s’ils comptaient se mettre aux énergies propres et durables. Et nous avons découvert que les trois établissements hôteliers que nous avons approchés étaient déjà à la pointe du progrès en matière de défense de l’environnement. Voici à titre d’exemple, le cas de ces trois hôtels de renom: le Sofitel, le Naoura Barrière et le Méridien N’Fis.
«Sofitel Marrakech s’inscrit, comme l’ensemble des établissements du groupe Accor, dans une démarche pour l’environnement, initiée il y a déjà 40 ans!» Hamid Bentahar, vice-président Luxe et Haut de gamme d’Accor pour l’Afrique et l’Océan Indien, mais aussi président du CRT, précise d’emblée que les efforts réalisés dans ce domaine n’ont rien à voir avec une mode passagère: ils font partie des objectifs du groupe depuis fort longtemps, à tel point qu’une direction environnement a été créé par Accor dès 1994 et qu’une charte interne, élaborée en 98, contient 21 engagements, comme le fait de réduire la consommation d’eau ou de développer le recyclage des déchets.
«Aujourd’hui, précise Hamid Bentahar, grâce à la technologie, nous ne sommes plus obligés de choisir entre le confort du client et le respect de l’environnement». Cet avis est largement partagé par Fernando Horta, directeur général du Méridien N’Fis: «Quand j’ai commencé à travailler pour les hôtels Méridien en 88, on parlait déjà de recyclage et de réutilisation de tout ce qui pouvait l’être. A l’époque, j’étais directeur technique et il y avait au centre de mes préoccupations les économies d’énergie et les mesures à prendre, département par département, pour y parvenir, sans retirer de confort aux clients. Dès 99, on a installé dans les hôtels du groupe un système qui gérait les chambres en matière de climatisation et d’éclairage: si la chambre n’était pas occupée, la clim et la lumière se coupaient automatiquement».
Depuis, les hôtels Méridien ont été rachetés par le groupe Starwood qui, en 2008, a instauré un programme
intitulé ‘Thirty/Twenty by Twenty’. Explication donnée par Fernando Horta: «A partir des données de consommation de 2008, tous les établissements du groupe doivent, d’ici 2020, baisser leur consommation d’électricité de 30% et leur consommation d’eau de 20%. Et depuis 2009, cet objectif est vérifié mois par mois, hôtel par hôtel: je peux vous dire que l’on est bien parti pour atteindre les objectifs fixés».
Quant au Naoura Barrière, il n’est pas en reste, loin s’en faut. Il utilise même une technique révolutionnaire pour produire de l’eau chaude, comme nous l’explique Thomas Gille, directeur d’exploitation de l’hôtel: «Depuis 2014, toute l’eau chaude pour les chambres, la piscine, le SPA est produite par une chaudière biomasse alimentée…en noyaux d’olives! C’est une société, Avéo Energie qui a créé le concept, qui l’a installé chez nous et qui gère tout, de l’approvisionnement à la maintenance». Et les résultats sont là: «Avant, on chauffait au propane; en 2013, on était à 166 tonnes de propane consommées par an, dont la moitié rien que pour la piscine; en 2015, on n’en est qu’à 27 tonnes: le propane, on ne l’utilise plus que pour la cuisine! On réalise donc des économies très importantes, grâce à une énergie propre!»
En effet, miser sur le développement durable peut se montrer très rentable. «D’autant plus rentable, précise Hamid Bentahar, que cette notion a été prise en compte dès la conception du bâtiment. Après, c’est plus coûteux et il y a besoin de mesures incitatives pour encourager les entreprises à rectifier et à réinvestir. En ce qui concerne le Sofitel, nous avons décidé de faire les choses progressivement: par exemple, nous changeons les ampoules classiques par des LED étage par étage, de façon à investir sur le moyen et le long terme, sans mettre en péril la rentabilité à court terme».
C’est ce que confirme Thomas Gille: «On essaye tous de s’équiper en LED. Mais c’est un très gros budget: si on l’avait fait en 2009, à l’ouverture de l’hôtel, cela nous aurait coûté beaucoup moins cher. Notre problème aujourd’hui, c’est que l’on a 3.500 point lumineux: acheter 3.500 LED d’un seul coup, ce serait un budget trop important, alors on avance par étape, on a déjà changé 1.000 ampoules, ce qui nous a permis, sur les zones équipées en LED, d’économiser 85% par rapport à l’année dernière. On avait des spots de 20 watts couplés à des transformateurs de 14 watts. On était donc à 34 watt par spot: avec la micro LED, on est à 5 watts, soit 7 fois moins. Multiplié par le nombre de spots déjà remplacés, c’est énorme au niveau de l’économie réalisée, d’autant plus que l’on a commencé par équiper les zones éclairées 24h/24 comme la réception ou les couloirs…»
Aujourd’hui, des économies sont possibles un peu partout: On obtient des résultats intéressants, souligne Fernando Horta, en contrôlant et en agissant heure par heure sur la clim et le chauffage. C’est très important dans une ville comme Marrakech où, en hiver par exemple, les écarts de température peuvent atteindre 20 degrés entre la nuit et le début de l’après-midi. On organise aussi, en permanence, la chasse au gaspillage: on a renouvelé par exemple, tout le matériel de cuisine, en choisissant des équipements certifiés A ou A+, donc peu énergivores. On en a profité pour revoir toutes les procédures du département, pour s’assurer par exemple, qu’en l’espace d’une heure, il n’y ait pas 10 personnes qui aillent ouvrir le même frigo pour prendre quelque chose. La cuisine liste ce dont elle a besoin pour la mise en place et tout est retiré en une seule fois des frigos: le personnel n’y retourne que pour ce qui n’était pas prévu; moins d’ouverture du frigo, c’est moins de consommation d’énergie».
Fernando Horta va encore plus loin: «le service de sécurité fait des rondes régulièrement dans l’hôtel. J’en ai profité pour leur demander de veiller aux économies d’énergie: ils ont des check-lists sur lesquels ils notent tous les problèmes rencontrés, fenêtres ouvertes, lumières allumées alors qu’elles devraient être éteintes etc… Tout est noté afin que le lendEn effet, rien ne peut se faire dans ce domaine du développement durable sans une mobilisation des équipes, mais qu’il n’est pas difficile d’obtenir: «A condition, estime Hamid Bentahar, d’adapter l’approche au ‘cultural background’ des collaborateurs. Parce que cette sensibilisation à l’environnement est dans les réflexes des Marrakchis. Depuis toujours, les Marrakchis ont décidé de préserver la Palmeraie; depuis toujours, ils ont eu la volonté de réutiliser l’eau des montagnes par un système d’irrigation ingénieux et révolutionnaire, qui leur a permis de créer cette petite oasis verdoyante au milieu d’un environnement désertique. En devenant des urbains, beaucoup ont perdu ces réflexes, mais il est tout à fait possible de les remettre au goût du jour.»
Pourtant, en matière d’environnement, les bonnes volontés ne suffisent pas: encore faut-il que de vraies solutions soient mises en place. Thomas Gille nous donne deux exemples: «Les piles constituent pour nous un souci. On en consomme beaucoup, ne serait-ce que par le biais des télécommandes que l’on trouve dans chaque chambre. A l’heure actuelle, je ne sais pas quoi faire de ces piles usagées, car rien n’est prévu sur Marrakech pour les récupérer : cela me ferait mal au cœur de les mettre à la poubelle, car elles sont très polluantes, alors pour le moment, je les stocke. Mais, un jour où l’autre, il faudra bien trouver une solution pour nous en débarrasser». Et Thomas Gille de donner un autre exemple, la récupération du verre: «J’ai rencontré, il y a quelque temps, un organisme qui m’a proposé d’installer au Naoura Barrière des bacs pour récupérer, séparément, le plastique et le carton. J’ai eu beau leur dire que si on faisait du tri sélectif, il fallait aller jusqu’au bout et prévoir quelque chose pour le verre, ils ont refusé. De toute façon, rapidement, comme c’était essentiellement le plastique qui les intéressait et que nous, nous avions beaucoup de cartons, ils ont arrêté de travailler avec nous: je n’ai donc plus aucune solution pour du tri sélectif».
Cela n’enlève rien à l’optimisme de Hamid Bentahar, convaincu que la COP 22 est un excellent booster, quiva permettre de montrer tout ce que le Maroc a su faire. «On a eu des réunions avec les autorités locales et les ministères concernés: une vraie dynamique positive est en train de se créer. Mais le Royaume n’a pas attendu la COP 21 de Paris pour commencer les efforts: regardez la politique des barrages, qui permet de conserver l’eau; regardez tous les projets inaugurés récemment par Sa Majesté. Regardez aussi ce qui est fait par la ville, avec notamment une station de traitement des eaux de Marrakech, qui permet non seulement de ne plus polluer, mais d’arroser l’ensemble des jardins de la ville et surtout les golfs, réputés gros consommateurs d’eau». A un moment où les indicateurs sur le tourisme à Marrakech ne sont pas vraiment au beau fixe, la COP 22 peut être, tous les directeurs d’hôtels en sont convaincus, une excellente opportunité pour braquer les projecteurs sur la ville.
«Il faut profiter de l’occasion, estime Hamid Bentahar, pour faire entrer dans chaque maison les réflexes portés par le gouvernement, la région, la ville. C’est l’occasion de faire de la pédagogie, pour que tout ce qui va être fait d’ici la COP 22 ne soit pas simplement une performance des dirigeants, mais une performance collective de l’ensemble des habitants, qui doivent y voir un intérêt commun. Il faut commencer par agir dans les écoles, c’est le moment. Mais j’ai confiance dans la capacité des Marrakchis à adhérer à ce type de projet: comme je vous l’ai dit, il y a des réflexes dans nos gènes et il suffit de valoriser les bons réflexes pour que tout le monde suive. Il faut construire avec nos forces, plutôt que pleurer sur nos faiblesses». Quant à Fernando Horta, à quelques mois de la COP 22, il se prend à rêver : «Lors de la signature du protocole de Kyoto, il était prévu que les moteurs 2 temps soient tous supprimés au plus tard en 2005! Or à Marrakech, il y a aujourd’hui près de 400 deux-roues pour 1.000 habitants, majoritairement des mobylettes avec moteur 2 temps; des moteurs très polluants, puisqu’ils brûlent l’huile mélangée à l’essence. Alors, je rêve parfois d’avoir à ma disposition une baguette magique qui me permettrait de transformer toutes ces mobylettes 2 temps en petites motos 4 temps, beaucoup moins polluantes, l’huile ne servant plus qu’à la lubrification du moteur. Mais je sais que ce n’est encore qu’un rêve!».