Les experts sont unanimes : le réchauffement climatique va toucher en premier les populations les plus pauvres et les plus fragiles. Les régions déjà en proie à des sécheresses périodiques vont également connaître une pluviométrie de plus en plus instable. Cette instabilité va tout particulièrement concerner le bassin méditerranéen ainsi que le Sahel. Peut-être faut-il s’arrêter sur cette dernière région, se demandent nos confrères d’iris-france.org d’hier et visité par vivafrik.com
Des conséquences inquiétantes au Sahel
Les deux degrés d’augmentation de la température déjà considérés inévitables au niveau mondial à échéance de la fin du siècle, vont se traduire au Sahel par deux degrés de hausse effective d’ici 20 ans et de trois à cinq degrés d’ici à 2050.
Une telle hausse des températures provoquera une chute des rendements agricoles de l’ordre de 15% à 25% pour le mil et le sorgho et de l’ordre de 40% pour le maïs. Mais surtout, l’instabilité pluviométrique va provoquer l’échec périodique des campagnes agricoles, accroissant la dépendance vis-à-vis des importations et de l’aide alimentaire. Les populations rurales doivent aussi s’attendre à une misère accrue et à des difficultés additionnelles pour intensifier leur agriculture, car comment acheter engrais et semences sélectionnées face à tant d’incertitudes?
L’absence de transition démographique
La population de ces pays qui, pratiquement seuls au monde, n’ont pas engagé leur transition démographique, connaît une croissance exceptionnelle : elle double tous les 18 à 20 ans. Le Niger, qui avait 3 millions d’habitants à l’indépendance, en aura au minimum 42 millions en 2035 et si rien ne change au niveau de la fécondité – pourquoi y aurait-il changement puisque cette fécondité est restée stable depuis 30 ans à environ 7,5 enfants par femme ? – il en aura 89 millions en 2050. Ceci dans un pays où seule 8% de la superficie est propice à l’agriculture.
Où sont les emplois ?
Dans ces zones rurales déjà en proie à la misère, où la moitié de la population n’a pas accès à l’eau potable, où seules deux familles sur 1.000 disposent de l’électricité, la propagande salafiste se développe. Avec une agriculture en panne et l’absence de toute industrie dans ces pays enclavés, les jeunes ruraux ont le choix entre grossir la masse des abonnés aux petits boulots en ville, s’insérer dans les multiples trafics transsahariens (voitures volées, cigarettes, cocaïne provenant d’Amérique latine etc.) et s’engager dans le djihad où les salaires sont attractifs.
Si l’on additionne les chiffres du Niger et du Mali, ce sont environ 500.000 jeunes qui arrivent chaque année sur le marché de l’emploi. Où sont ces emplois ?
Investir dans le domaine agricole
En second lieu, des investissements massifs sont urgents dans le domaine agricole et celui de l’équipement rural pour enfin mettre en valeur le potentiel en matière de petite irrigation, restaurer la fertilité des sols par des aménagements fonciers, ouvrir des routes, assurer un approvisionnement général en eau potable, électrifier les campagnes maintenant que les technologies sont disponibles, relancer la recherche agronomique et surtout créer des emplois. Mais il faut hélas rappeler que l’agriculture au niveau international mobilise moins de 8% de l’aide mondiale qui s’est depuis 30 ans désintéressée de ce sujet. Or il est effarant de constater que sur les 3,4 milliards d’euros promis par l’aide internationale au Mali, moins de 4% sont affectés au développement de l’agriculture et de l’élevage. Enfin, sujet combien difficile, il faut absolument agir sur les évolutions démographiques par des programmes de planning familial comme ce fut le cas dans d’autres pays musulmans pauvres tel que le Bangladesh. Il sera sinon impossible à ces pays de sortir de la trappe à pauvreté dans laquelle ils sont coincés. Notons que ce sujet mobilise au plan mondial moins de 0,2% des flux d’aide et ne figure nulle part dans le plan de redressement du Mali.
Revoir nos priorités
Il est permis de se demander si l’aide internationale dont l’appui sera indispensable pour stabiliser cette région va un jour s’occuper des vraies priorités. En ce qui concerne l’aide française et les engagements pris par le président de la République, il est également permis d’être perplexe. Dans les récents engagements français à la suite de la COP21, il est prévu d’accroître d’ici à 2020 de quatre milliards d’euros par an les concours financiers français de l’AFD à la lutte contre le changement climatique, ceci sous forme de prêts essentiellement destinés aux pays émergents. Mais il n’est prévu d’augmenter que de 370 millions les dons aux pays pauvres comme les pays du Sahel. Sommes-nous bien certains que nos priorités sont les bonnes ?
Moctar FICOU / VivAfrik