Le cacao au cœur des violences et des convoitises dans l’est de la RDC : Conflits armés, contrebande et menaces sur la certification bio

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Le cacao, une ressource de plus en plus recherchée dans le territoire de Beni, au nord-est de la République Démocratique du Congo (RDC), est devenu le théâtre de violentes convoitises. Judith Kahindo, une cultivatrice de cacao, effectue quotidiennement plusieurs kilomètres, seule, pour atteindre sa plantation isolée, malgré les risques de violences liées aux groupes armés qui infestent la région.

La province du Nord-Kivu, où se situe Beni, est principalement connue pour ses ressources minières telles que le cobalt, le cuivre et le coltan, qui alimentent les conflits qui dévastent l’est de la RDC depuis plusieurs décennies. Cependant, c’est le cacao, qui connaît une forte demande ces dernières années, qui devient désormais l’enjeu de nouvelles formes de violence.

Le territoire de Beni, en proie aux massacres perpétrés par les rebelles des ADF (Forces Démocratiques Alliées), qui ont prêté allégeance à l’État islamique, a été particulièrement touché par ces conflits. Ces violences ont perturbé l’accès des producteurs aux plantations pendant plusieurs années. Ces groupes armés, ainsi que certains membres des forces militaires, se disputent le contrôle des plantations de cacao, provoquant de graves tensions au sein de la population locale.

Juliette Kahindo, une veuve et mère de huit enfants, témoigne de la peur constante qu’elle ressent lorsqu’elle travaille dans ses champs, armée de sa machette pour se frayer un chemin dans une forêt dense. « Nous entretenons nos champs avec la peur d’être massacrés, car le cacao est tellement convoité, que ce soit par les rebelles ou même nos soldats », déclare-t-elle.

L’impact mondial du cacao congolais

Bien que la production de cacao en RDC soit marginale à l’échelle mondiale, représentant moins de 1% de la production globale avec environ 50 000 tonnes attendues en 2024, la demande croissante a exacerbé les tensions. Ces dernières années, le prix du cacao a flambé sur le marché mondial, attirant ainsi la convoitise de groupes armés opérant dans cette région fertile.

Les réseaux de contrebande sont également en plein essor. Le cacao est souvent volé, décabossé et revendu via des circuits illégaux vers l’Ouganda voisin. « S’il n’y avait pas de cacao en abondance à Beni, la guerre aurait déjà pris fin », affirme Judith Kahindo. Ces activités de contrebande alimentent des réseaux criminels transfrontaliers qui profitent de l’insécurité pour exploiter les ressources naturelles du pays.

Problèmes liés à la certification bio et l’exportation

La production de cacao à Beni, réalisée selon des méthodes traditionnelles, pourrait offrir un cacao biologique de qualité. Cependant, les violences qui ravagent la région menacent cette certification. L’Union Européenne a récemment mis en garde contre la reconnaissance du label biologique des produits locaux, en raison des difficultés rencontrées par les organismes de certification pour déployer leurs inspecteurs sur le terrain.

L’Office national des produits agricoles du Congo (ONAPAC), responsable de certifier les produits agricoles destinés à l’exportation, travaille activement à garantir la traçabilité des produits. Cependant, le cacao est souvent écoulé sous de fausses étiquettes, notamment en provenance d’Ouganda. Les acheteurs ougandais, armés de leur pouvoir d’achat, imposent leurs prix et exportent les fèves de cacao sous un label ougandais, nuisant ainsi à l’économie congolaise.

L’instabilité persistante dans la région de Beni complique la situation, rendant difficile le contrôle des produits agricoles qui transitent vers l’étranger. « Les acheteurs ougandais déstabilisent le secteur, ils viennent avec de l’argent liquide et imposent leur prix », déplore la directrice de l’Onapac à Beni.

En dépit de ces obstacles, le cacao congolais reste une ressource essentielle pour la région, mais sa production, son exportation et son potentiel de certification biologique sont constamment mis en péril par les violences et la corruption qui gangrènent la région.

Moctar FICOU / VivAfrik

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