Au Sénégal, la filiale d’Eramet, Eramet Grande Côte (GCO), est accusée de détruire l’environnement et de précipiter une crise sociale et économique à Lompoul, au nord-ouest du pays. Cette activité minière, qui s’étend sur 445 000 hectares le long du littoral sénégalais, soulève l’indignation des habitants et des associations locales.
Destruction de l’environnement et des terres agricoles
Gora Gaye, maire de la commune de Diokoul Diawrigne, est l’un des plus fervents opposants à cette exploitation. Depuis plusieurs mois, il mène une lutte contre l’impact de GCO sur les terres agricoles et l’environnement. L’exploitation minière, qui a commencé en 2013, a progressivement transformé cette région de dunes et de cultures vivrières en un désert. L’entreprise extrait principalement du zircon, mais aussi du rutile, de l’ilménite et du leucoxène, des minerais utilisés dans des industries variées telles que le bâtiment et l’énergie nucléaire.
Le paysage a été profondément modifié : des dunes entières ont été rasées, des milliers de tonnes de sable ont été extraites chaque jour à l’aide de dragues gigantesques, laissant derrière des terres dévastées. Avant l’arrivée de GCO, cette zone, notamment les Niayes, était l’une des plus fertiles du Sénégal, assurant près de 80% de la production nationale de légumes. La mine a non seulement détruit l’écosystème, mais elle a aussi obligé des milliers de paysans à quitter leurs terres.
La dégradation sociale et économique des communautés locales
L’impact social de l’exploitation minière est tout aussi alarmant. Des milliers de personnes ont perdu leurs terres et ont été relogées dans des sites de recasement, souvent dans des conditions précaires. Les anciens cultivateurs se retrouvent aujourd’hui dans des maisons étroites, sans sources de revenus viables. Les femmes qui vendaient des souvenirs aux touristes ont perdu leurs emplois, tout comme les travailleurs des entreprises touristiques locales, dont les activités ont été anéanties par l’avancée de la mine.
Le village de Lompoul, autrefois prisé des touristes pour son désert, est en train de disparaître sous l’assaut des machines. La zone de dunes de Lompoul, qui attirait les cinéastes et les voyageurs, est en train de se transformer en un site minier désolé. La situation est telle que même l’Écolodge de Lompoul, un opérateur touristique local, se trouve désormais menacé par les opérations de GCO.
La gestion de l’eau et les préoccupations environnementales
Un autre problème majeur soulevé par les habitants est l’accès à l’eau. Le pompage massif effectué par GCO a perturbé les nappes phréatiques, entraînant la diminution du niveau de l’eau dans les puits, une situation qui touche gravement les maraîchers de la région. Selon les témoignages, il est désormais nécessaire de creuser plus profondément pour accéder à l’eau, une situation intenable pour les agriculteurs locaux. GCO, pour sa part, rejette les accusations et assure que son exploitation ne nuit pas aux nappes d’eau utilisées par les cultivateurs.
Des indemnisations insuffisantes et la dépossession foncière
Les paysans affectés par l’exploitation minière dénoncent des indemnités dérisoires, bien en deçà des pertes qu’ils ont subies. Les montants des compensations, selon plusieurs témoignages, sont basés sur des barèmes datant de 1974, et n’ont jamais été révisés depuis. De nombreux producteurs ont perdu des terres qui leur rapportaient des revenus considérables. Ceux qui ont osé s’opposer à cette expropriation ont été victimes de harcèlement et d’intimidation.
Le soutien tacite des autorités et la lutte pour la justice
Malgré les protestations et les accusations d’abus environnementaux et sociaux, les autorités sénégalaises continuent de soutenir GCO. Les élus locaux sont accusés de complicité avec l’entreprise minière, renforçant ainsi le sentiment d’abandon des populations locales. En 2023, un rapport de l’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) a révélé que GCO a effectué des paiements importants aux autorités locales, soulevant des interrogations sur l’éthique de ces transactions.
Cependant, un vent de changement semble souffler. Plusieurs députés sénégalais, notamment du parti Pastef, ont récemment appelé à la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les activités de GCO, plaidant pour un moratoire sur les activités de la mine jusqu’à ce qu’une évaluation complète de l’impact environnemental et social soit réalisée.
L’avenir incertain de la région de Lompoul
Les habitants de Lompoul et des villages voisins se battent pour la restitution de leurs terres et pour un avenir où leurs moyens de subsistance seront protégés. Gora Gaye et d’autres leaders locaux ont averti que si le gouvernement ne réagit pas rapidement, ils organiseront des blocages pour empêcher GCO de poursuivre ses activités.
Moctar FICOU / VivAfrik