La République Démocratique du Congo (RDC) se retrouve au cœur d’une tension économique et environnementale majeure. Les producteurs de cacao et de café, deux produits agricoles emblématiques du pays, se voient confrontés à des obstacles croissants dans leurs échanges commerciaux avec l’Union européenne (UE). La cause de cette impasse réside dans la nouvelle réglementation européenne « zéro déforestation », qui interdit l’importation de produits agricoles issus de terres où la déforestation a eu lieu après le 31 décembre 2020. Si cette loi vise à encourager des pratiques plus durables à l’échelle mondiale, elle soulève des préoccupations majeures pour les producteurs congolais, en particulier dans l’est du pays, où la situation sécuritaire et les conflits armés compliquent sérieusement la mise en œuvre de normes environnementales.
La réglementation « zéro déforestation » : un défi pour les producteurs congolais
En janvier 2023, l’Union Européenne a adopté une législation ambitieuse pour freiner la déforestation mondiale. Elle impose des restrictions strictes sur l’importation de produits agricoles tels que le cacao, le café, l’huile de palme, le cacao, le soja, et les produits dérivés du bois, lorsque ces derniers proviennent de terres récemment déforestées. Selon cette réglementation, pour qu’un produit agricole soit exporté vers l’Union européenne, il doit être prouvé que sa production n’a pas contribué à la déforestation après la date limite du 31 décembre 2020.
Cette législation impose aux producteurs de fournir une traçabilité détaillée de l’origine de leurs produits, ce qui s’avère être un défi particulièrement compliqué pour les producteurs de cacao et de café en RDC, où la déforestation est parfois due à des conflits et des violences armées dans les régions de production. Les producteurs locaux, souvent confrontés à des conditions de travail précaires et à des infrastructures limitées, peinent à se conformer à cette exigence de traçabilité.
Contexte sécuritaire et logistique : des freins à la certification
L’est de la RDC, notamment les provinces du Nord et Sud-Kivu, est depuis plusieurs années le théâtre de conflits armés violents entre des groupes rebelles et des forces gouvernementales. Cette situation a non seulement déstabilisé la région, mais elle a également compliqué la gestion de l’agriculture. Pour les producteurs de café et de cacao dans cette zone, il est extrêmement difficile d’assurer la certification « zéro déforestation », car les zones de culture sont souvent sous contrôle de groupes armés, et les infrastructures de traçabilité sont quasi inexistantes.
Les autorités congolaises, déjà débordées par la gestion des conflits, ont du mal à mettre en place des systèmes de certification permettant de garantir que les produits agricoles respectent les nouvelles exigences européennes. En outre, les zones de production de cacao et de café se trouvent souvent dans des zones reculées où l’accès est difficile et où les conflits rendent les inspections et la certification pratiquement impossibles.
Impact sur les producteurs : une incertitude grandissante
L’application de la réglementation européenne « zéro déforestation » a un impact direct sur les producteurs congolais, notamment les petits exploitants. Ces derniers, qui représentent une large majorité des producteurs de cacao et de café en RDC, risquent de voir leurs produits refusés à l’exportation si les exigences de traçabilité ne sont pas respectées. Cela pourrait entraîner des pertes économiques considérables, notamment dans une économie déjà fragilisée par la guerre et la pauvreté.
Pour certains producteurs, l’incapacité de se conformer à ces nouvelles exigences pourrait signifier la perte de leur principal marché d’exportation : l’Union Européenne. Avec des prix déjà en baisse pour ces produits, le marché européen représente une source de revenus essentielle. Cependant, les producteurs sont souvent dans l’incapacité de fournir les informations de traçabilité nécessaires à la certification, car ils manquent des moyens logistiques et des outils pour garantir la transparence de la chaîne d’approvisionnement.
Les initiatives pour résoudre le problème
Face à cette situation, des initiatives visant à aider les producteurs de cacao et de café à se conformer aux nouvelles réglementations sont en cours. Plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) et partenaires internationaux travaillent avec les producteurs congolais pour renforcer les capacités locales et mettre en place des systèmes de certification adaptés. Cela inclut des projets visant à améliorer l’accès à des technologies permettant de tracer l’origine des produits agricoles et des formations sur les bonnes pratiques agricoles durables.
Certaines entreprises de certification, en collaboration avec les autorités congolaises, tentent de développer des méthodes d’audit simplifiées qui tiennent compte des réalités spécifiques de la RDC, tout en garantissant le respect des normes européennes. Cependant, ces efforts restent encore largement insuffisants pour répondre aux défis logistiques et sécuritaires imposés par la situation locale.
Des solutions urgentes nécessaires
Les producteurs de cacao et de café en République Démocratique du Congo se trouvent dans une situation délicate face à la réglementation européenne « zéro déforestation ». Si cette législation vise à encourager des pratiques agricoles durables, elle impose des défis considérables aux producteurs congolais, dont les capacités de traçabilité et de certification sont limitées par des conflits armés et un manque d’infrastructures. Des solutions urgentes et adaptées aux réalités du terrain sont nécessaires pour éviter que ces producteurs ne perdent l’accès à un marché crucial, tout en respectant les impératifs environnementaux mondiaux.
Moctar FICOU / VivAfrik