Dans un monde de plus en plus interconnecté, le commerce international joue un rôle clé dans l’accroissement de l’offre alimentaire sur les marchés mondiaux. Cependant, ces dernières années, les échanges commerciaux mondiaux ont été perturbés par des restrictions croissantes sur certains produits agricoles, alimentant les inquiétudes concernant la sécurité alimentaire mondiale.
Le commerce comme moteur de la sécurité alimentaire
« On ne peut pas nourrir le monde sans le commerce, c’est un fait », a déclaré Ngozi Okonjo-Iweala, directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), lors d’une rencontre avec le Pape François à Rome le 14 décembre 2024. Cette déclaration souligne l’importance du commerce dans la circulation des produits alimentaires et la garantie de l’approvisionnement mondial. Selon Okonjo-Iweala, une calorie consommée sur quatre dans le monde provient d’échanges commerciaux internationaux. Le commerce mondial des produits agricoles et alimentaires est donc essentiel pour répondre à la demande alimentaire croissante.
L’impact des restrictions commerciales
Le commerce mondial a subi des perturbations majeures au cours des dernières années, avec une augmentation des restrictions à l’exportation sur des produits agricoles clés. Ces mesures ont été mises en place principalement pour réduire les prix de consommation sur les marchés intérieurs et renforcer la sécurité alimentaire locale. La pandémie de Covid-19 a d’abord exacerbé ces restrictions, suivie de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022, qui a exacerbé les tensions sur les chaînes d’approvisionnement alimentaires.
D’après une étude du Groupe de réponse aux crises mondiales de l’ONU en juin 2022, 160 mesures ont été prises pour limiter les exportations de produits alimentaires et engrais, représentant 17,3 % des calories échangées à l’échelle mondiale. Ces restrictions ont largement affecté le marché global des produits agricoles.
Une récente amélioration, mais des défis restent
Cependant, selon le dernier rapport de suivi commercial de l’OMC, publié en novembre 2024, la situation semble s’être stabilisée. Le nombre de restrictions à l’exportation applicables aux produits alimentaires et engrais a diminué, passant de 160 à 70 restrictions. La valeur du commerce affectée par ces restrictions est également passée de 29,6 milliards $ à 11,8 milliards $, un signe de désescalade des tensions commerciales. Cependant, le commerce mondial reste vulnérable aux fluctuations politiques et aux mesures protectionnistes.
Le commerce mondial face au protectionnisme croissant
Le commerce international est confronté à de nouvelles incertitudes, notamment avec la montée en puissance de politiques protectionnistes dans plusieurs pays. Le retour possible de Donald Trump à la présidence des États-Unis en janvier 2025 ravive les inquiétudes concernant un resserrement des échanges commerciaux mondiaux. L’OMC et Okonjo-Iweala se battent pour maintenir un commerce mondial ouvert, fondé sur les principes de libre-échange et de solidarité internationale.
La situation de la faim dans le monde : une réalité alarmante
Paradoxalement, alors que la production alimentaire mondiale atteint des niveaux records, la faim reste une réalité pour des millions de personnes. En 2023, environ 733 millions de personnes ont souffert de la faim, un chiffre record depuis 17 ans, selon la FAO. L’un des défis majeurs réside dans le fait que seulement 18 % de l’offre des céréales majeures (maïs, riz, blé) est commercialisée à l’échelle mondiale. Cette situation soulève la question de savoir si le commerce international est suffisant pour garantir la sécurité alimentaire à long terme.
L’Afrique et la libéralisation du commerce : un dilemme
L’Afrique, où les droits de douane agricoles restent encore relativement bas par rapport à d’autres régions en développement, fait face à des taux de faim élevés. Environ 20,4 % de la population souffre de la faim sur le continent. La question se pose donc : faut-il poursuivre la libéralisation du commerce dans cette région ? Certains experts estiment que cette approche ne doit pas occulter l’importance de politiques agricoles cohérentes et adaptées aux spécificités locales, surtout que la majeure partie de la production agricole est destinée aux marchés intérieurs.
Les effets négatifs de la libéralisation et de la concurrence mondiale
D’autres analystes soulignent les effets pervers liés à l’ouverture des marchés mondiaux, en particulier pour les pays en développement. Les grandes exploitations agricoles des États-Unis et de l’Europe, soutenues par des subventions et des aides directes à la production, mettent en difficulté les économies rurales locales. Cette concurrence déséquilibrée risque d’aggraver les inégalités économiques et d’empêcher les petits producteurs de subsister face aux géants du secteur.
Un appel à l’action
En conclusion, Ngozi Okonjo-Iweala appelle à un renforcement des politiques commerciales internationales pour garantir une sécurité alimentaire durable. Il est crucial que le commerce mondial soutienne une croissance inclusive et une répartition équitable des ressources, afin que les produits agricoles arrivent là où ils sont le plus nécessaires. En cette période de tensions géopolitiques et de défis alimentaires mondiaux, un engagement collectif pour des échanges commerciaux ouverts et durables est plus important que jamais.
Moctar FICOU / VivAfrik