La 16ème Conférence des Parties (COP16) dédiée à la lutte contre la désertification s’ouvre à Riyad, en Arabie Saoudite, ce lundi 2 décembre 2024, un événement bien moins médiatisé que ses homologues sur le climat et la biodiversité. Cette COP, tout comme les deux autres conférences majeures créées lors du Sommet de la Terre à Rio en 1992, vise à traiter des enjeux environnementaux mondiaux. Cependant, son nom de « COP Désertification » porte à confusion, en occultant la réalité plus complexe de la dégradation des terres et ses multiples causes. Bien que l’édition de Riyad rassemble moins de 5 000 participants, l’importance de ce rendez-vous reste capitale. Voici ce qu’il faut savoir sur cette problématique, ses causes profondes et les attentes de la conférence.
La dégradation des terres : une question d’urgence mondiale
Le terme « désertification » est réducteur, car il se concentre principalement sur les régions arides alors que le phénomène de dégradation des terres touche des zones beaucoup plus vastes, affectant environ 1,2 milliard de personnes dans le monde, particulièrement dans les milieux arides, semi-arides et sub-humides secs. La dégradation des terres désigne la perte progressive de la productivité des sols et la diminution de la couverture végétale, un processus amplifié par l’activité humaine et les changements climatiques. Ce phénomène est d’autant plus inquiétant que la reconstitution des sols dégradés peut prendre des siècles alors que la dégradation elle-même peut être accélérée en quelques saisons sous l’effet du vent ou des eaux.
Si la dégradation des sols ne mène pas systématiquement à la désertification, elle constitue néanmoins une menace majeure pour la planète. L’ONU estime qu’environ 40 % des terres mondiales sont désormais dégradées. Ces terres, bien qu’utilisées, ont perdu leurs fonctions écologiques essentielles, comme la capture du carbone atmosphérique.
Les causes de la dégradation des terres
Trois causes majeures expliquent la dégradation des terres :
- Le changement d’affectation des terres : Ce terme recouvre des processus tels que la déforestation, l’urbanisation ou encore l’agriculture intensive. La disparition des forêts, en particulier tropicales, contribue au réchauffement climatique et à l’assèchement des sols. Les pratiques agricoles comme la monoculture et l’élevage intensif fragilisent davantage les sols, les rendant vulnérables à l’érosion et aux inondations.
Selon la géographe Blanca Prado, qui étudie la dégradation des sols au Mexique, 60 % des sols du pays sont dégradés à cause des mauvaises pratiques agricoles et d’un excès de pâturage. Dans des régions comme le Chiapas, des agriculteurs ont utilisé des produits chimiques pour tuer les mauvaises herbes, ce qui a conduit à une baisse de la fertilité des sols.
- Les sécheresses accentuées par le changement climatique : Le changement climatique amplifie la fréquence et l’intensité des sécheresses, affectant les zones arides mais aussi des régions auparavant moins touchées. D’ici 2050, trois personnes sur quatre seront confrontées à des sécheresses. L’Afrique, qui abrite 75 % des terres arides mondiales, est particulièrement vulnérable.
- L’artificialisation des sols : Le bétonnage et l’urbanisation dégradent les sols et perturbent les écosystèmes. Ces transformations ont des effets à long terme, aggravant la vulnérabilité des sols face aux phénomènes climatiques extrêmes.
Les conséquences de la dégradation des terres
Les impacts de la dégradation des sols sont multiples et touchent directement la sécurité alimentaire, l’énergie, l’économie et la biodiversité. La perte de terres fertiles met en péril la production alimentaire mondiale, alors que l’ONU prévoit qu’il faudra doubler la production de nourriture d’ici 2050. Toutefois, avec 40 % des terres déjà dégradées, l’objectif semble de plus en plus difficile à atteindre.
La dégradation des terres affecte également la sécurité énergétique, notamment en réduisant la capacité des barrages hydroélectriques. La sécheresse limite aussi la production d’énergie nucléaire, qui dépend de l’eau pour refroidir ses réacteurs. Par ailleurs, l’assèchement des canaux comme ceux de Suez et de Panama perturbe le commerce international.
Enfin, la dégradation des terres contribue à l’apparition de conflits et à l’émigration forcée, comme on l’observe dans le Sahel ou en Afghanistan. Elle accélère aussi la perte de biodiversité, un facteur clé dans la propagation des maladies zoonotiques, avec l’OMS estimant que 75 % des nouvelles maladies infectieuses proviennent des animaux.
Les attentes de la COP16
La COP16, bien que plus discrète que d’autres conférences, représente un moment crucial pour la diplomatie environnementale. Plus de 5 000 participants, dont des négociateurs, des ministres et des ONG, sont attendus à Riyad. La question de la sécheresse sera au cœur des discussions, accompagnée de la problématique de l’accès à l’eau douce et des mauvaises pratiques d’irrigation.
L’une des principales publications attendues est le rapport « Se reculer du précipice : transformer la gestion des terres pour rester dans les limites de la planète », qui résume les dernières avancées scientifiques sur la dégradation des sols. Un Atlas mondial de la sécheresse devrait également être publié, et un Observatoire de la résilience face à la sécheresse devrait être lancé pour évaluer les stratégies d’adaptation.
Les enjeux financiers seront également majeurs. La restauration de 1,5 milliard d’hectares de terres d’ici à 2030 nécessitera un financement colossal, estimé à près de 2 300 milliards de dollars. Les discussions porteront également sur le financement de la COP et sur la création de mécanismes pour soutenir les pays les plus vulnérables, notamment grâce au Partenariat mondial pour la résilience face à la sécheresse, lancé par l’Arabie Saoudite.
Les négociations devraient confronter deux visions agricoles : l’agriculture conventionnelle, intensifiée et subventionnée, et l’agriculture agro-écologique, plus respectueuse de l’environnement, mais souvent délaissée faute de soutien politique et financier.
Un tournant pour la gestion des terres ?
La COP16 représente une occasion unique de prendre des décisions importantes pour restaurer les terres dégradées et lutter contre les sécheresses. Si les résultats semblent incertains, la conférence pourrait néanmoins marquer un tournant dans la manière dont le monde aborde la gestion des terres et des ressources naturelles, à condition que les engagements financiers et politiques suivent.
Moctar FICOU / VivAfrik