La dégradation des terres est désormais identifiée comme un facteur clé repoussant les « limites planétaires », avertit le Potsdam Institute for Climate Impact Research (PIK). Le rapport publié en ouverture de la COP16 sur la désertification à Riyad (Arabie Saoudite) ce lundi 2 décembre 2024 alerte sur les risques menaçant non seulement l’équilibre des écosystèmes mondiaux mais aussi la survie de l’humanité. Ce rapport met en lumière des solutions concrètes et des pistes de transformation face à cette crise, avec une attention particulière portée à la révision de notre modèle agricole conventionnel.
Le rapport, aux termes alarmants, souligne que « la dégradation des terres compromet la capacité de la Terre à soutenir l’humanité ». Les conclusions sont sans appel : « les preuves scientifiques sont claires, la gestion de nos terres déterminera l’avenir de la vie sur Terre », selon l’équipe de recherche dirigée par Johan Rockström, expert suédois reconnu pour son concept des limites planétaires. Ce dernier décrit la transformation de l’usage des sols comme « critique ».
Des chiffres préoccupants
Le rapport précise que la surface des terres dégradées dans le monde a atteint 15 millions de km², un chiffre alarmant qui correspond à peu près à la superficie de la Russie. Chaque année, un million de kilomètres carrés de terres supplémentaires se détériorent. En revanche, l’ONU estime qu’il serait nécessaire de restaurer une surface équivalente d’ici 2030 pour parvenir à un équilibre durable. L’ampleur des dommages et leur trajectoire sont vertigineuses, touchant près de 1,2 milliard de personnes. Selon l’ONU, 40% des terres émergées sont affectées par la dégradation.
Un état des lieux alarmant des « limites planétaires »
Les terres jouent un rôle fondamental dans la stabilité de la planète : elles régulent le climat, préservent la biodiversité, maintiennent les ressources en eau douce et fournissent des éléments vitaux comme la nourriture, l’eau et les matières premières. Ce rôle fondamental a été mis en avant lors de la publication du rapport, un état des lieux complet de la dégradation des terres et de ses conséquences.
Le concept des « limites planétaires », défini par Rockström en 2009, désigne les processus biophysiques essentiels à la vie sur Terre. Selon le rapport, la dégradation des terres est l’une des limites critiques, repoussant d’autres phénomènes comme le changement climatique, la perte de biodiversité, la pollution des ressources en eau douce, et bien d’autres.
Les impacts environnementaux et sociaux
La déforestation, l’agriculture intensive et l’urbanisation sont identifiées comme les principaux moteurs de cette crise. Ces pratiques dégradent non seulement les sols mais aggravent aussi le changement climatique. La déforestation a déjà réduit la capacité des forêts à stocker du CO2 de 20% au cours des dix dernières années, ce qui rend la lutte contre le changement climatique encore plus difficile. Le rapport alerte sur le fait que la conversion des terres pour l’agriculture intensive ou l’urbanisation fragilise davantage l’environnement.
Parallèlement, les sécheresses, de plus en plus fréquentes et intenses, sont l’un des principaux moteurs de cette dégradation. Ce phénomène crée un cercle vicieux où les changements climatiques entraînent la dégradation des terres, aggravant ainsi les effets du réchauffement.
Des solutions pour inverser la tendance
L’agriculture conventionnelle est pointée du doigt comme l’un des plus grands responsables de la dégradation des sols. Elle contribue à la déforestation, à l’érosion des sols et à la pollution. Le rapport appelle à une réforme fondamentale de ce modèle agricole, en promouvant des pratiques comme l’agroécologie et l’agriculture régénératrice. Ces techniques durables, telles que la couverture permanente des sols, la rotation des cultures et le non-labour, visent à restaurer la santé des sols et à accroître leur capacité à stocker du carbone.
D’autres solutions incluent la gestion durable des ressources en eau, la protection des écosystèmes critiques comme les forêts et les tourbières, et l’adoption de nouvelles technologies agricoles. Le rapport mentionne des avancées technologiques telles que les drones, les robots agricoles et l’intelligence artificielle pour surveiller la dégradation des sols en temps réel et améliorer la gestion des cultures.
Le rôle de la technologie et des initiatives locales
Les technologies agricoles, telles que les robots-solaires et l’application Plantix, permettent de mieux gérer l’utilisation des ressources naturelles. Ces innovations ont prouvé leur efficacité dans des régions comme le Brésil et l’Inde, où des millions de photos de plantes malades ont été prises pour identifier les besoins en fertilisation et en lutte contre les ravageurs. L’application utilise l’intelligence artificielle pour aider à détecter et à prévenir la dégradation des sols, réduisant ainsi l’utilisation de pesticides et de produits chimiques.
Justice et équité : des enjeux sociétaux essentiels
Le rapport insiste sur l’importance de prendre en compte les dimensions sociales et économiques dans la lutte contre la dégradation des terres. Sans une approche équitable et inclusive, les solutions risquent de ne pas être efficaces ou adaptées aux besoins des populations les plus vulnérables.
Le secrétaire exécutif de la Convention des Nations Unies sur la désertification, Ibrahim Thiaw, souligne que sans une action immédiate et transformatrice, les conséquences de la dégradation des terres affecteront tous les aspects de la vie humaine, avec des répercussions sur la sécurité alimentaire, l’énergie, la santé, et les migrations.
Moctar FICOU / VivAfrik