Les négociations de la COP29, qui se sont clôturées à Bakou, ont débouché sur une annonce d’une promesse de financement de 300 milliards de dollars par an pour les pays en développement d’ici à 2035. Cependant, cette somme reste bien inférieure aux 1000 milliards de dollars que ces pays réclamaient. Bien que ce montant triple l’engagement précédent de 100 milliards de dollars, que les pays riches peinent déjà à respecter, il laisse une fois encore l’Afrique dans l’incertitude. La répartition géographique de cette somme et la proportion destinée spécifiquement à l’adaptation, un enjeu crucial pour le continent, n’ont toujours pas été clarifiées. Ces imprécisions révèlent une réalité persistante : l’Afrique, première victime des impacts du changement climatique, continue d’être reléguée au second plan dans le financement climatique mondial.
L’Afrique, le continent le plus vulnérable, demande des financements adaptés à ses besoins climatiques
L’Afrique est incontestablement le continent le plus vulnérable face à la crise climatique. Selon un rapport du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE) publié début novembre, les besoins d’adaptation du continent sont estimés entre 36,3 et 61 milliards de dollars par an. Pourtant, en 2022, seulement 13 milliards de dollars ont été alloués à l’adaptation en Afrique, ce qui couvre à peine 21 à 36 % des besoins réels. Ce déficit met en évidence l’incapacité des mécanismes de financement actuels à répondre aux urgences climatiques pressantes du continent. Le montant de 300 milliards de dollars annoncé à Bakou, bien qu’historique par son volume, ne garantit toujours pas de priorité pour l’Afrique. Ce flou dans les engagements souligne l’ampleur de la négligence à l’égard des enjeux d’adaptation climatiques spécifiques au continent.
Un déséquilibre entre atténuation et adaptation : l’Afrique appelle à un changement urgent
Depuis plusieurs années, les financements climatiques mondiaux se concentrent principalement sur l’atténuation du changement climatique, avec 53 % des fonds alloués à cette composante entre 2018 et 2022, contre seulement 34 % pour l’adaptation. Or, pour l’Afrique, l’adaptation n’est pas une option mais une nécessité urgente. Les sécheresses, les inondations et l’insécurité alimentaire, exacerbées par le réchauffement climatique, entraînent chaque jour des millions de personnes dans une précarité accrue. Que signifie, dès lors, cet engagement de 300 milliards de dollars si les priorités africaines ne sont pas clairement définies et financées ?
Les mécanismes de financement actuels et l’alourdissement de la dette des pays africains
Un autre problème majeur concerne les mécanismes de financement utilisés. En 2022, 57 % des financements climatiques reçus par les pays africains étaient sous forme de prêts. Bien que la majorité de ces prêts soient concessionnels, ils exacerbent le fardeau de la dette dans de nombreux pays déjà surendettés. Comment peut-on demander aux États africains de renforcer leur résilience climatique tout en les maintenant dans un cercle vicieux de surendettement ? Cette situation démontre que, même avec des promesses ambitieuses, les bases du financement climatique ne sont pas adaptées aux réalités économiques de l’Afrique.
L’Afrique ne peut plus attendre : la nécessité de solutions locales et durables
Il est clair que l’Afrique ne peut plus attendre que des promesses vagues se concrétisent. Des solutions locales doivent être développées pour réduire cette dépendance aux financements extérieurs. Le développement des marchés du carbone représente une opportunité économique et environnementale majeure pour le continent. Par exemple, en République Démocratique du Congo (RDC), les forêts du bassin du Congo, qui couvrent une part significative de la planète, ont un potentiel immense pour la commercialisation du carbone et la fourniture de services écosystémiques. Selon la Banque mondiale, ces forêts pourraient générer une valeur annuelle estimée entre 223 milliards et 398 milliards de dollars. Cela ferait de la RDC un acteur central dans le développement d’un marché carbone africain, tout en contribuant à la préservation de ses écosystèmes et à la résilience climatique.
Outre les marchés du carbone, la mise en place de fonds nationaux ou régionaux spécifiquement dédiés à l’adaptation climatique pourrait être une solution viable. Ces fonds pourraient être alimentés par des taxes sur les secteurs polluants ou des partenariats public-privé, permettant ainsi de canaliser directement les ressources vers les projets les plus urgents. Il est également essentiel que les institutions africaines renforcent leur capacité à planifier et à mettre en œuvre des projets d’adaptation, en intégrant les communautés locales dans les processus décisionnels. Bien que ces initiatives puissent sembler modestes face à l’ampleur des besoins, elles constituent un pas vers l’autonomisation du continent et le renforcement de son attractivité pour les financements climatiques.
La COP29, un tournant ou une déception pour l’Afrique ?
Chaque inondation, chaque sécheresse, chaque crise alimentaire pousse l’Afrique davantage dans la précarité et accroît les inégalités. La COP29, avec son engagement de 300 milliards de dollars, pourrait marquer un tournant pour l’efficacité de l’action climatique mondiale, mais uniquement si cet engagement se concrétise par des actions tangibles et adaptées aux besoins réels des pays africains. L’Afrique ne peut plus être un acteur secondaire dans les discussions climatiques mondiales. Elle doit être au centre des priorités mondiales, non pas par charité, mais parce que la justice climatique l’exige.
Moctar FICOU / VivAfrik