Lors de la COP29, qui s’est prolongée jusqu’au dimanche 24 novembre 2024 à Bakou, les pays développés se sont engagés à financer les pays vulnérables face au changement climatique à hauteur d’au moins 300 milliards de dollars par an d’ici à 2035. Ce nouvel objectif marque une augmentation par rapport à l’engagement de 100 milliards de dollars par an fixé lors de la COP15 à Copenhague en 2009. Cependant, ce montant demeure largement insuffisant aux yeux de nombreux pays en développement, d’Organisations non gouvernementales (ONG) et de négociateurs, qui dénoncent un accord loin de répondre aux attentes et aux besoins urgents des nations les plus affectées par le climat.
Un montant insuffisant face à l’inflation et aux besoins croissants
L’un des principaux arguments soulevés par les ONG est l’impact de l’inflation. En effet, les 300 milliards de dollars promis en 2024 n’ont pas la même valeur que ceux prévus en 2009. Pour accomplir ce qui pouvait être fait avec 100 milliards de dollars il y a quinze ans, il en faudrait désormais près de 150 milliards en raison de la hausse des coûts et des exigences accrues des pays en développement. Ce chiffre, bien qu’ambitieux sur le papier, ne suffira probablement pas à couvrir les besoins croissants des pays les plus vulnérables au changement climatique d’ici à 2035.
La comptabilisation floue des aides : un nouveau système qui inquiète
Un autre point de friction concerne la manière dont les aides sont comptabilisées. Le calcul des 300 milliards de dollars annuels reste flou, car il inclut une variété de mécanismes de financement, y compris des prêts, des subventions et d’autres contributions indirectes. Alpha Kaloga, négociateur de la Guinée, affirme que l’effort financier direct des pays développés sera bien inférieur à ce montant. Selon lui, les banques multilatérales de développement fourniront environ 120 milliards de dollars sous forme de prêts d’ici 2030, ce qui réduit la capacité des pays bénéficiaires à réellement bénéficier de ces fonds, en raison des intérêts et des conditions de remboursement.
L’accord sur la comptabilisation des aides inclut également une nouveauté importante : des financements provenant de pays comme la Chine, si ces derniers sont fournis par l’intermédiaire d’institutions internationales telles que la Banque mondiale, seront également pris en compte. Harjeet Singh, du Climate Action Network, souligne que cette mesure pourrait aggraver la confusion autour de la répartition des financements. Une autre inquiétude majeure est l’absence de distinction claire entre les fonds alloués sous forme de subventions et ceux fournis sous forme de prêts, un problème particulièrement pertinent pour les pays déjà endettés.
Pourquoi les pays vulnérables ont accepté cet accord limité
Au terme de deux nuits de négociations prolongées à la COP29, les pays les plus pauvres et vulnérables ont accepté cet accord, qui représente une révision à la hausse de l’engagement initial de 100 milliards de dollars. Cependant, cette décision a été prise dans un contexte de pression et de compromis. Lors des consultations préalables, certains pays les moins développés et petits États insulaires avaient quitté la table des négociations, jugeant le montant proposé insuffisant. Les critiques s’étaient même intensifiées au sein du groupe Afrique, où certains plaidaient pour ne pas signer d’accord du tout plutôt que d’accepter un compromis aussi faible.
Alden Meyer, associé principal chez E3G, un groupe de réflexion sur le changement climatique, explique que plusieurs facteurs ont conduit à ce compromis difficile. « Les pays en développement ont un besoin urgent d’aide financière. Ce n’est pas ce qu’ils voulaient, c’est évident, mais ils ont compris qu’il n’était pas réaliste d’attendre un accord beaucoup plus ambitieux », analyse-t-il. Selon lui, la présidence de la COP29 a joué un rôle décisif dans l’issue des négociations. Certains négociateurs ont exprimé leur désir de clôturer rapidement les discussions sous cette présidence, en vue de l’arrivée d’un nouveau président américain dans quelques mois. Bien que l’actuel président des États-Unis ait évoqué un retrait de l’Accord de Paris, l’incertitude sur la direction future des négociations a motivé ce compromis.
Moctar FICOU / VivAfrik