Autosuffisance rizicole en Afrique de l’Ouest : Pourquoi l’objectif 2035 nécessite une réforme profonde de la production

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L’Afrique de l’Ouest repousse à 2035 son ambition d’atteindre l’autosuffisance en riz, initialement prévue pour 2025. Ce nouveau calendrier reflète les efforts nécessaires pour répondre à la demande croissante, mais des réformes profondes sont indispensables. Patricio Mendez del Villar, analyste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD), revient sur les défis structurels et les opportunités de cette ambition pour la région.

Le report de l’objectif d’autosuffisance en riz à 2035 témoigne-t-il d’une évolution nécessaire ?

Oui, revoir cet objectif était prudent. La cible initiale de 2025 était irréaliste. Cependant, si des budgets sont annoncés (19 milliards de dollars, dont 14 milliards pour des investissements), il reste à voir comment cet argent sera effectivement déployé. Pour que la région réduise sa dépendance aux importations – actuellement autour de 40-50 % des besoins – il est impératif d’adapter les systèmes de production.

Pourquoi les petits producteurs peinent-ils à satisfaire la demande ?

La structure actuelle des filières rizicoles est centrée sur de petits exploitants qui consomment d’abord leur production. Les surplus sont minimes et difficiles à commercialiser à grande échelle, ce qui limite la capacité de transformation et de distribution. Pour y remédier, il faudrait intensifier la production et favoriser l’agriculture à plus grande échelle. Cela impliquerait de renforcer les infrastructures et les chaînes logistiques pour acheminer efficacement le riz local jusqu’aux consommateurs urbains.

Cette transformation aurait-elle un impact social pour les petits producteurs ?

Oui, ce changement pose un vrai dilemme social. Le riz soutient de nombreux ménages ruraux ; passer à une production intensive pourrait les priver de revenus. C’est pour cette raison que les États hésitent à encourager une agriculture intensive et préfèrent soutenir les petits producteurs, malgré les contraintes d’organisation, de financement et d’accès aux crédits.

Les politiques douanières de la CEDEAO (taxe de 10 % sur le riz importé) semblent-elles suffisantes ?

La priorité des gouvernements est de garantir un riz accessible pour la population, d’où la faible protection douanière. Une taxe modérée sur les importations pourrait financer les investissements dans le riz local et stabiliser les prix, mais sans un plan précis, cela risque de rester une intention théorique. Les subventions pourraient aussi stimuler les filières locales, mais rien ne semble acté en ce sens.

La diversification alimentaire pourrait-elle réduire la dépendance au riz ?

En théorie, encourager la consommation de céréales locales est une alternative intéressante. Mais cela implique de travailler sur la transformation et la préparation de ces produits pour les rendre attractifs aux yeux des consommateurs urbains, habitués à la simplicité et à la rapidité du riz.

L’autosuffisance en riz en 2035 est-elle réalisable ?

L’autosuffisance est envisageable, mais à certaines conditions. Pour l’instant, les méthodes actuelles ne suffiront pas. La demande continue de croître, et je doute que 19 milliards suffisent. La clé sera d’investir efficacement, avec un modèle économique clair et une stratégie rigoureuse. Ce n’est pas tant la quantité de ressources allouées qui importe, mais comment elles seront utilisées pour transformer durablement les filières rizicoles.

Moctar FICOU / VivAfrik

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