La COP16 sur la biodiversité, qui s’est clôturée le 1er novembre 2024 à Cali, en Colombie, a abordé des sujets cruciaux pour l’avenir de la biodiversité mondiale, notamment la question du partage des bénéfices tirés des ressources génétiques. Ce sujet prend de l’importance dans un contexte où les entreprises pharmaceutiques et cosmétiques du Nord bénéficient largement de la diversité génétique provenant des pays du Sud, sans toujours partager équitablement les retombées économiques. Pour Charles Barber, du World Resources Institute, « les ressources génétiques de la vie sauvage et l’industrie pharmaceutique représentent un business de plusieurs milliards de dollars, un secteur clairement rentable ».
Un Enjeu de Justice Économique
Aujourd’hui, les ressources génétiques issues de la biodiversité permettent de créer des produits de santé et de bien-être tels que vaccins, médicaments, et cosmétiques, qui rapportent des milliards de dollars chaque année. Les exemples abondent, notamment celui du saule d’Europe, dont l’acide acétylsalicylique, un des principes actifs, a été exploité pour créer l’aspirine, un produit largement commercialisé. L’essentiel de cette biodiversité est concentré dans les pays du Sud, particulièrement dans des zones riches comme l’Amazonie. Pourtant, les entreprises qui tirent profit de ces ressources sont majoritairement basées dans les pays industrialisés, créant ainsi un déséquilibre économique profond.
La Voix des Peuples Autochtones
Lors de cette COP16, les représentants des peuples autochtones d’Amazonie ont plaidé pour une plus grande reconnaissance et un rôle central dans la préservation de la biodiversité. Ils réclament un cadre de partage des bénéfices qui prenne en compte leurs droits et leurs savoirs traditionnels, souvent à la base de nombreuses découvertes. Ces leaders indigènes insistent sur l’importance d’une gouvernance collaborative des ressources naturelles, mettant en garde contre une exploitation non régulée qui pourrait épuiser leurs écosystèmes. Ils ont demandé des engagements concrets pour la protection de leurs terres et de leur patrimoine génétique, essentiel pour la survie de nombreuses espèces.
Vers un Mécanisme de Partage des Avantages des Informations Génétiques Numériques
L’un des sujets centraux de cette COP16 a été la création d’un mécanisme de partage des avantages liés aux informations de séquençage numérique (DSI) des ressources génétiques. Ce mécanisme vise à réglementer l’accès et l’utilisation des données génétiques pour s’assurer que les pays fournisseurs de biodiversité soient justement récompensés. En effet, dans le cadre des ressources dématérialisées, la protection et la compensation des pays riches en biodiversité restent mal définies, bien que ces données soient souvent cruciales pour la recherche et le développement.
Engagements Financiers Renforcés
Parallèlement aux discussions sur le partage des ressources, la COP16 a vu des annonces importantes de financements. Plusieurs pays, notamment la France, l’Allemagne et la Norvège, ont contribué au Fonds mondial pour la biodiversité, portant son total à 400 millions de dollars. Ces fonds sont essentiels pour soutenir les pays en développement dans leurs efforts de conservation et de restauration écologique. Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, a souligné l’importance d’aller « des paroles aux actes », insistant sur l’urgence de protéger la biodiversité face à l’accélération de l’effondrement des écosystèmes.
Une Route Semée d’Embûches pour l’Avenir de la Biodiversité
Malgré les avancées, des défis persistent, notamment le respect des engagements financiers et la mise en place des indicateurs pour le cadre de Kunming-Montréal, adopté en 2022. Celui-ci vise la protection de 30 % des terres et des océans d’ici 2030, mais pour y parvenir, la coopération entre pays riches et pays en développement doit encore être renforcée. Actuellement, seulement 23 pays sur 196 ont soumis leur stratégie nationale de biodiversité, illustrant le manque d’avancement dans l’application des promesses faites.
En somme, la COP16 de Cali aura marqué une étape importante vers un cadre plus juste pour la biodiversité, mais les actions concrètes devront suivre pour concrétiser ces engagements.
Moctar FICOU / VivAfrik