Les acteurs de la filière du bois du Cameroun mettent leur menace en exécution. Ces derniers sont en colère contre la nouvelle hausse des taxes à l’exportation. L’organisation patronale Groupement de la filière bois du Cameroun (GFBC) – qui revendique 75 % du volume d’affaires dans le secteur – est « en grève » depuis lundi 2 janvier 2023. Ses membres ont décidé de suspendre toute déclaration en douane pour dénoncer une pression fiscale trop forte sur les acteurs qui jouent le jeu et paient leurs taxes.
Dans une correspondance datée du 23 décembre 2022 et déposée à la Primature, au ministère du Travail, au ministère en charge des Mines et à la Douane, le Groupement de la filière bois du Cameroun annonçait une action de grève pour le 2 janvier 2023.
Justifiant sa colère dans la correspondance, le Groupement a écrit : « la filière bois subi depuis 5 ans une pression fiscale à nul autre pareil jamais vu dans la sous-région du Bassin du Congo. Ainsi au courant des exercices 2026 à 2023, les droits de sortie et taxe forestières applicables aux entreprises de la filière bois ont augmenté de l’ordre de : 60% pour ta taxe d’abattage ; 242% pour les droits de sortie des bois en grumes ; 165% pour les droits de sortie des bois transformés ».
Alors que le Cameroun était déjà le pays avec les taxes les plus élevées de la sous-région dans la filière, la loi de finances 2023 votée début décembre 2022 a encore augmenté les taxes forestières et les droits de sortie du bois du territoire camerounais. Pour l’organisation patronale Groupement de la filière bois du Cameroun, la situation n’est pas tenable et la hausse censée générer de nouvelles rentrées d’argent pour l’État va menacer la survie des entreprises.
Le GFBC poursuit en indiquant que, l’augmentation récente et la plus controversée est celle de 2023 relative au relèvement des droits de sortie sur les bois transformés de 10 à 15% de la valeur FOB des essences dans le projet de loi de finances 2023 d’une part, et de 50 à 60% pour les grumes d’autres part. Ceci nonobstant les recommandations adoptées lors de la réunion présidée par le Premier ministre de s’en tenir aux mesures fiscalo-douanières contenues dans le rapport du comité interministériel chargé de trouver des solutions transitoires avant l’entrée en vigueur de la mesure d’interdiction de l’exportation des bois sous forme de grumes.
« Monsieur le Premier ministre, alors que nous étions encore sous le choc de cette violation flagrante des mesures de comité interministériel, nous avons également a été désagréablement surpris de la volonté de cette même administration à vouloir procéder à un relèvement des valeurs FOB qui servent de base de taxation des produits forestiers (taxes et droits de sorties). Ceci occasionnera des augmentations encore plus grandes que celles citées plus haut et affectera ainsi les capacités d’investissement de nos entreprises tout en mettant en danger la survie de celles-ces-ci », s’écrie le Groupement.
Transformer plus de bois au Cameroun
C’est sur l’exportation des grumes que l’imposition est la plus élevée, c’est-à-dire, le bois encore à l’état de tronc avec son écorce. Pour créer de la valeur ajoutée localement et des emplois, il faudrait pouvoir transformer plus de bois au Cameroun. Mais des connaisseurs de la filière soulignent que les moyens de production et les soutiens au secteur sont insuffisants.
Pour Alain Karsenty, économiste au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et spécialiste des politiques publiques en matière de forêts, le risque d’une pression fiscale trop forte, c’est de voir des entreprises du secteur formel fermer et une partie de l’activité de la coupe et de vente du bois rejoindre l’opacité du secteur informel. Avec cela, elle échapperait au contrôle des bonnes pratiques et à la fiscalité.
Moctar FICOU / VivAfrik