Selon la Société nationale des eaux du Sénégal (SONES), le projet d’usine de dessalement prévue sur le littoral de Dakar, en bas de la colline des Mamelles, doit permettre de régler un problème de coupure d’eau majeur à Dakar et de répondre à la très forte demande en eau potable. Alors que les plagistes et restaurateurs sont convoqués ce vendredi 6 mai 2022 pour discuter de leur départ de la plage afin de céder la place aux tuyaux et à la station de pompage, la mobilisation d’un collectif de riverains est prévue à 14h30 Temps universel (TU) pour dire non à cette usine de dessalement qu’ils estiment nocive pour l’environnement, a informé, dans un reportage, la correspondante de Radio France internationale (RFI) à Dakar.
Comme tous les week-ends, Arnold Abongo profite d’un dimanche ensoleillé avec des amis sur la plage, allongé sur une natte colorée. Un peu plus loin trône une pancarte : « Non à l’usine de dessalement » qui a attiré l’attention du jeune congolais installé à Dakar depuis quelques mois.
Il a fait part de sa tristesse en ces termes. « Moi, ça me rend triste de voir ce projet qui va tuer cette ambiance et ce point de rencontre à Dakar. Dakar, c’est connu pour être une ville cosmopolite avec plein de communautés. La plage est un lieu de rencontres et tuer ça, je trouve ça très injuste ».
Dans son restaurant construit à partir de bois recyclé qui risque de disparaître, Amadou Maguette Dieng – surnommé Max – fait tourner une pétition afin de sensibiliser les usagers sur les dangers de cette usine, a fait valoir Charlotte Idrac dans ce rportage. « Il y a la pollution sonore, de la pollution olfactive. Le sel sera rejeté dans la mer dans un milieu de reproduction. Donc, on trouve ça anormal et on riposte en disant « non à l’usine ». On ne veut pas de dédommagement, on ne veut pas d’argent, on ne veut pas de pollution. On ne veut pas qu’ils détruisent notre havre, Dakar est assez polluée… », souligne Max.
Selon elle, l’environnement serait menacé. Car, une fois l’eau de mer transformée en eau douce, l’usine de dessalement rejette de la saumure, c’est-à-dire de l’eau chaude très concentrée en sel. Ce résidu est nocif pour l’environnement et pour les écosystèmes marins, selon un rapport des Nations unies de janvier 2019.
Les pêcheurs sont donc inquiets pour cette zone de reproduction des poissons. Omar Diagne, président de l’association SOS Littoral, rappelle aussi que le site des Mamelles est protégé par la loi des monuments historiques. « Le site est un patrimoine historique parce qu’il y a un volcan qui date de l’ère quaternaire. Le site du phare des Mamelles est un site archéologique parce qu’il y a des roches stratifiées. Donc, la loi est bafouée », démontre-t-il.
Du côté de la Société nationale des eaux du Sénégal en charge du projet, il s’agit d’« un investissement public d’intérêt général ». Mais cette usine de dessalement d’une capacité de 100 000 mètres cubes par jour pourra répondre aux coupures d’eau récurrentes dans la région de Dakar. El Hadj Ada Ndao, de la SONES, se veut rassurant sur les impacts négatifs de cette usine et sur l’accessibilité de la plage aux populations, sauf pendant la période de travaux.
« Nous ne construisons pas des hôtels. Nous parlons d’usine de dessalement de l’eau qui va fabriquer de l’eau, source de vie. C’est un investissement public d’intérêt général. Il n’y a aucun risque parce que la dilution de saumure à ce point de rejet, la profondeur idéale de 20 m, permet déjà de pouvoir retrouver les mêmes caractéristiques de l’eau de mer en termes de salinité, mais également en termes de température », assure El Hadj Ada Ndao.
La première pierre sera posée le 31 mai 2022 pour une mise en service de l’usine en 2025.
Moctar FICOU / VivAfrik