Après chaque retour de Conférence des parties sur les changements climatiques (COP), le Sénégal fait le point et partage les résultats issus de ces événements internationaux sur le climat. Et la COP26 n’a pas dérogé à la règle. C’est dans cette optique que le ministre de l’Environnement et du Développement durable a présidé ce vendredi 26 novembre 2021 à Dakar, un atelier qui a pour dessein le décryptage des résultats de la COP26, l’analyse de la participation du Sénégal et la définition des perspectives.
Abdou Karim Sall qui estime que la 26ème Conférence des parties sur les changements climatiques a été l’occasion pour le Sénégal de réaffirmer son leadership sur les plans africain et mondial, a renseigné qu’il a été porté à la tête de la Conférence ministérielle africaine sur l’environnement (CMAE). A ce titre, dit-il, « j’ai eu l’occasion de présider les points de coordination journalière avec le groupe des négociateurs africains pour faire le point de l’état d’avancement des négociations mais également faire le point sur les difficultés rencontrées mais surtout de nouvelles orientations sur les positions concertées de l’Afrique ».
Revenant sur quelques aspects du Pacte de Glasgow « arraché à la dernière minute », M. Sall met l’accent sur l’article 6 de l’accord de Paris sur les changements climatiques. L’article 6 de l’accord de Paris, lors de la COP25 tenue à Madrid en 2019, avait fait l’objet de discussions mais également avait fait l’objet de report pour être épuisé. Il a trait à cette question importante et intimement liée au financement de l’adaptation.
« L’article 6 de l’accord de Paris a été au centre des négociations. L’Afrique a pris une position extrêmement courageuse pour défendre ses intérêts. Il parle de mécanismes de financement du fonds d’adaptation. Ce mécanisme de financement du fonds d’adaptation est issu du Protocole de Kyoto qui est l’ancêtre de l’accord de Paris », a rappelé le ministre Sénégalais de l’Environnement et du Développement durable.
Se prononçant sur les positions de l’Afrique à Glasgow, Abdou Karim Sall confie à qui veut l’entendre que « la première position africaine était, dans le cadre de l’article 6.4 qui concerne le financement par les mécanismes des Nations unies en termes de prélèvement sachant que le Protocole de Kyoto dans ses mécanismes avait prévu un financement de 2%. Ce que les pays africains avaient estimé et jugé insuffisant pour pouvoir renforcer le fonds d’adaptation qui devait être renforcé à partir des prélèvements ».
Cette position africaine a rendu les négociations extrêmement difficiles et après d’âpres discussions, il a été retenu que les pays développés fassent des contributions exceptionnelles volontaires pour pouvoir rehausser le niveau de ce fonds. C’est à ce titre que, renseigne le responsable Sénégalais, plus de 256 millions de dollars ont été mobilisés et que, pour la première fois, les Etats unis ont contribué à hauteur de 50 millions de dollars à titre de don afin de renforcer ce fonds qui est aujourd’hui de 350 millions de dollars.
La deuxième variante de l’Accord de Paris qui a suscité aussi beaucoup de débats, c’est l’article 6.2. Il passe par des mécanismes bilatéraux. Cette fois-ci, les mécanismes des Nations unies ne sont pas utilisés. « Pour ce processus, les pays occidentaux n’entendaient pas qu’on fasse des prélèvements au même titre que l’article 6.4. Ils voulaient opérer des contributions volontaires », a expliqué M. Sall. A l’en croire, il y a eu des compromis sur ce point pour faire avancer les discussions.
Un autre point d’achoppement et pas des moindre est la spécificité de l’Afrique pour faire prévaloir sa vulnérabilité. Signalons que la spécificité de l’Afrique est consacrée dans la Convention cadre des nations unies sur les changements climatiques (CCNCC). De l’avis du ministre de l’Environnement, ce point n’a pas trouvé de consensus. Ainsi, « nous avons dit, cette question, à défaut d’être inscrite dans les rapports, doit faire l’objet de report pour être discutée lors de la COP27 qui se tiendra en Egypte. Nous espérons qu’à ce niveau, cette fois-ci, à faire accepter les pays développés la spécificité de l’Afrique ».
Pour ce qui est du financement de l’adaptation, « nous avons demandé à ce qu’elle soit traitée de la même manière que l’atténuation parce que le continent noir est vulnérable aux effets des changements climatiques alors qu’il n’est pas forcément responsable de ces changements climatiques avec seulement 3% des émissions de gaz à effet de serre. Dans la même dynamique, nous avons également demandé qu’il y ait une différentiation, une séparation entre les pertes et préjudices et l’atténuation qui sont deux choses distinctes. Notre objectif est que les pays développés acceptent qu’un fonds soit mis en place pour faire face à ces différentes situations exceptionnelles qui peuvent frapper de manières imprévisible les populations démunies des pays en développement », a-t-il précisé.
En fin, à Glasgow, les négociateurs africains ont échangé avec leurs homologues sur la transition énergétique, précisément, sur le financement des projets relatifs aux énergies fossiles. Sur ce point, Abdou Karim Sall, après avoir salué la position du chef de l’Etat, Macky Sall, qui a affirmé à Paris que « l’Afrique n’acceptera pas après que les pays développés aient atteint leur niveau de développement avec les énergies fossiles nous empêchent d’atteindre le même niveau de développement » durcit le ton.
« Aujourd’hui, quand ils nous disent que ne pouvons pas utiliser le gaz ou à un moment donné ils ne vont plus financer nos projets gaziers ou pétroliers alors qu’ils utilisent le charbon, notre position est très clair. Nous avons, à quelques exceptions près, décidé de ne pas signer le protocole qu’ils nous ont soumis d’engagement des pays pour soutenir cette initiative », déplore M. Sall.
Qui renseigne que seuls 39 pays dont six africains ont signé cet engagement. Selon lui, l’Afrique continuera à prendre position en tant que pays africains car le développement de leurs économies en dépend.
Parlant de la position sénégalaise, Abdou Karim Sall se plus montre plus ferme. « Je pense que le Sénégal ne peut pas accepter de recevoir une quelconque leçon d’un quelconque pays développé parce que nous sommes aujourd’hui à près de ou plus de 30% de mix énergétique. Tous nos projets et programmes inscrits dans le cadre du Plan Sénégal émergeant (PSE) sont des projets qui respectent la trajectoire de développement économique et sociale sobre en carbone. C’est la raison pour laquelle, nous maintenons notre position sur cette question qui n’est pas une question négociable et continuons de parler avec nos homologues africains », a mis en garde le ministre de l’Environnement et du Développement durable.
Moctar FICOU / VivAfrik