Le sol fertile au niveau de la planète est à la base de la vie végétale et 95% de la nourriture que nous mangeons en provient. Cependant, la dégradation des sols constitue une vraie menace pour la sécurité alimentaire mondiale. Ce phénomène est constant et les pertes de sol ne sont pas récupérables à l’échelle humaine, ce qui en fait une ressource non renouvelable.
Les problèmes environnementaux dans les écosystèmes agricoles et particuliers à l’érosion et à la dégradation des sols s’accentuent de manière inquiétante. C’est du moins ce qu’a regretté le Commandant Seydi Ababacar Bèye Khalifa, Chef de la Division reboisement et conservation des sols (DEF) à la Direction des Eaux et forêts, chasses et de la conservation des sols (DEFCCS) du ministère de l’Environnement et du Développement (MEDD) lors d’une interview accordée à VivAfrik.
« La problématique de la dégradation des sols traverse le monde et on estime aujourd’hui que 40 millions d’hectares sont touchés par ce fléau dont 10% en Afrique, 33% en Asie et entre 25 à 40% en Amérique du Sud. Au Sénégal, on estime que 2% du territoire national est affecté par le phénomène de dégradation des sols qui se présente sous trois formes : la salinisation spécifiquement, l’acidification de manière générale qui est une forme d’ionisation des terres par d’autres éléments acides et les pratiques de dégradation générales des terres qui sont liées aux activités agricoles, aux pâturages, au piétinement par le bétail, à la mortalité naturelle ou aux phénomènes de changements climatiques », s’est désolé M. Bèye au micro de VivAfrik.
Aujourd’hui, le service forestier estime entre 800 000 et 2 400 000 hectares de terre dégradés entre les régions de Fatick, Kaolack, Kaffrine, en Casamance notamment dans les régions de Ziguinchor et de Sédhiou et un peu dans les régions de Tambacounda, Saint-Louis et Matam, dans les Niayes, avec 9% de terres dégradées où la fixation des dunes est affectée par l’avancée des terres marines, a constaté le Chef de la Division reboisement et conservation des sols pour le déplorer.
Face à cette situation, le Sénégal a effectué d’importantes réalisations dans le passé notamment avec des projets comme le Projet de reboisement communautaire dans le bassin arachidier (PRECOBA) de Fatick, le projet PROMOVILLES (Ndlr : Programme de modernisation des villes), le projet de gestion et de restauration des terres dégradées du bassin arachidier (PROGERT) qui a travaillé dans le bassin arachidier pour freiner l’acidification.
« Aujourd’hui, les résultats ont permis une multiplication des pratiques agro-écologiques. Vous verrez partout que le monde rural est en train d’adopter ces pratiques grâce aux techniques d’association de plantations forestières et d’activités agricoles et maraichères. Le suivi de toutes ces formes a permis de récupérer environ 9 000 à 10 000 hectares en moyennes dont 200 hectares en 2020. Ces réalisations portent sur les cordons pierreux qui sont des ouvrages antiérosifs installés sur les sols pour freiner les érosions éoliennes ou hydriques », a-t-il expliqué.
S’agissant des diguettes en cadres, le commandant Bèye renchérit qu’elles sont les éléments les plus connus avec une vulgarisation du Projet de renforcement des capacités pour le contrôle de la dégradation des terres et la promotion de leur valorisation dans les zones de sols dégradés (CODEVAL) et d’autres ONG comme le PROGERT à Thiès. Le Projet de renforcement de la gestion des terres et des écosystèmes des Niayes et de la Casamance dans un contexte de changements climatiques (PRGTE) a également développé d’autres technologies comme les semences agricoles qui sont adaptées aux changements climatiques, les plantations forestières adaptées aux sols salés et aux sols dégradés. Il y a également, sur le plan des eaux marines ou fluviales, le développement des mangroves qui prend de l’ampleur et permet de filtrer ces inconvénients et d’assurer la stabilité des terres fluviales et le sapement des berges ».
A l’en croire, tous les projets développés par le ministère de l’agriculture prennent en compte ces dimensions qui permettent de compenser tout ce qui a eu comme dégâts en matière d’environnement. Cet exercice est une activité très difficile à réaliser dans la mesure où conserver des diguettes sur les parties agricoles n’est pas chose aisée.
En outre, informe M. Bèye, d’autres méthodes permettant de réduire la pression sur la couverture végétale sont en train d’être développées. Il s’agit de la RNA (Ndlr : régénération assistée) qui est développée dans les paysages agraires et permet aux populations de laisser les arbres dans leurs champs sans gêner leurs pratiques agricoles tout en disposant de bois qui permet de satisfaire les femmes en termes de combustibles ménagers, la protection des champs et autres sites.
En résumé, le service des Eaux et Forêts combine les plantations, facilite la régénération et la mise en défens mais également, met des ouvrages antiérosifs comme des diguettes en cadre pour ensevelir les ravinements comme les demi-lunes et les cordons pierreux pour freiner les dégâts causés par les eaux de ruissèlement. Il utilise également des brise-vents pour limiter les effets du vent sur les terres afin de parer à tout appauvrissement des sols. Ces pratiques sont compatibles avec les enjeux du développement durable et des changements climatiques qui s’évissent dans nos pays et face auxquels le Sénégal a pris d’importants engagements.
Moctar FICOU / VivAfrik