Par Mohammed Drihem
Le Maroc dispose d’une réserve d’un peu plus de 50 milliards de barils de schistes bitumineux, en plus d’un riche potentiel du gaz et d’huile de schistes. Les travaux d’exploration de ces hydrocarbures non conventionnels qui ont commencé il y’a quelques années déjà se sont révélés très encourageants.
Pour Pr Youssef DAAFI ; Enseignant Chercheur et Responsable du développement de la plateforme Mine expérimentale (Advanced Mining Technology Plateforme for Africa) à l’Université Mohammed VI Polytechnique (UM6P). Les premières recherches pour la valorisation des schistes bitumineux au Maroc ont commencé à Tanger avec la création de la Société des Schistes Bitumineux de Tanger.
Cette société a-t-il ajouté ; avait construit une usine pilote d’une capacité journalière de 80 tonnes de schistes bitumineux entre 1939 et 1945 quant aux gisements de Timahdit et de Tarfaya ils n’ont été découverts que plus tard durant les années soixante. Ces deux derniers gisements selon Pr Youssef Daafi : ont fait l’objet de plusieurs études géologiques et minières, des études de laboratoire ainsi que des tests de pyrolyse et de combustion directe et leurs schistes bitumineux ont été testés par plusieurs procédés de pyrolyse à travers le monde notamment aux Etats-Unis (TOSCO, PARAHO et UNION OIL), en Europe (LURGI), en ex URSS (KIVITER et GALOTER), au Canada (TACIUK) et au Japon (JOSECO)) et ont fait l’objet de nombreuses études de faisabilité technico-économiques.
Ces travaux géologiques, miniers et de laboratoire, réalisés à partir de 1975 et poursuivis jusqu’en 1985 d’après notre interlocuteur, ont permis la mise en évidence des réserves en place et de la caractérisation des schistes bitumineux de Timahdit et de Tarfaya et ont montré que les schistes marocains pourraient être valorisés par pyrolyse pour la production des hydrocarbures. Ce qui a conduit le Maroc à entamer sa propre expérience et de développer le procédé T3 (initiales des trois gisements de Tanger, Tarfaya et Timahdit).
D’après Pr Youssef DAAFI ; le Maroc dispose de ressources importantes de schistes bitumineux et il est classé au 6ème rang mondial après les USA, la Russie, la République Démocratique de Congo, le Brésil et l’Italie avec un potentiel de 53 milliards de barils d’huile en place dont plus de 37 milliards de barils dans les deux principaux gisements : Timahdit et Tarfaya.
Aussi avait-il ajouté ; au Maroc, les travaux de Recherche et Développement mené par l’ONHYM (Office National des Hydrocarbure et des Mines) sur les schistes bitumineux ont été intenses durant les années 70 et le début des années 80 suite aux deux chocs pétroliers de 1973 et 1979. Ces travaux ont concerné les aspects géologiques, miniers, les études de laboratoires, les essais en installations pilotes et les études de préfaisabilité technico-économiques, ont permis de mettre en évidence et de confirmer le potentiel du Maroc en schistes bitumineux.
Dans ce cadre précisa-t-il ; l’ONHYM (ex ONAREP) a développé et testé son propre procédé de pyrolyse dit T3 (initiales des principaux gisements de Timahdit, Tarfaya et Tanger). L’unité pilote a été construite entre juin 1983 et novembre 1984 à Timahdit à l’aide d’un prêt de la banque mondiale. Elle a été mise en marche et testée à vide entre janvier et mars 1985 et opérée à charge entre avril 1985 et octobre 1986. La capacité de l’usine pilote construite est de 80 tonnes de schistes bruts par jour. 2500 tonnes de schistes bitumineux ont été testées par ce procédé qui a donné un rendement moyen de 70% en huile par rapport à l’Essai Fisher.
Depuis cette date malheureusement, cette usine pilote de Timahdite a été laissé à l’abandon et le rêve d’un Eldorado au cœur du Moyen Atlas avec l’exploitation du gisement des schistes Bitumineux remis aux calendes grecques pour des raisons économiques et environnementales.
En effet ; selon Pr Daafi Youssef; les schistes bitumineux ne sont encore que peu exploités, malgré l’importance de leurs réserves, du fait d’une double problématiques : D’abord des défis économiques car la production de pétrole à partir de schistes bitumineux ne devient économiquement viable que si le prix du baril se situe au-delà de 60 dollars selon l’AIE (Agence Internationale de l’Energie). Le prix est donc le frein principal à l’exploitation de ce pétrole dit « non conventionnel ». Ensuite, des défis environnementaux du fait que La combustion et le traitement thermique des schistes bitumineux génèrent des déchets et émettent dans l’atmosphère du dioxyde de carbone. Des études estiment que la production de carburants issue des schistes bitumineux entraîne des émissions de CO2 sensiblement plus importantes que la production de carburants issue d’hydrocarbures dits conventionnels.
Et d’ajouter que les schistes bitumineux sont destinés à plusieurs fins dont notamment et entre autres : La conversion en hydrocarbures à travers le processus chimique de la pyrolyse, la combustion de basse qualité pour la production d’électricité et l’utilisation comme matériaux de base (industries chimiques, agriculture, construction).
Entre autres produits qu’il est possible d’obtenir à partir de l’huile de schistes bitumineux selon Pr Daafi Youssef ; on peut citer des essences dont la teneur en carbone est en général au-dessus de la moyenne, des huiles de lampe, des huiles lourdes convenant particulièrement aux moteurs diesels, des huiles de graissage et du goudron employé dans la fabrication des mastics et des asphaltites.
A rappeler que L’Office national des hydrocarbures et des mines (ONHYM) avait signé il y’a quelques avec avec San Leon Energy un mémorandum d’entente pour deux années.
Cette compagnie gazière et pétrolière devrait explorer un bloc de 36 km2 de schistes à Timahdit. Et cela en coopération avec Enefit Outotec Technology (EOT), une joint-venture basée en Estonie, spécialisée dans l’ingénierie de traitement des minéraux.
Le projet des deux sociétés à Timahdit consiste à sélectionner des échantillons de schiste bitumineux, ensuite, procéder à leur évaluation approfondie dans les laboratoires d’EOT à Francfort, en Allemagne. L’objectif étant d’évaluer la viabilité commerciale ; autrement dit le coût d’extraction et la compétitivité du produit sur le marché de l’énergie.
Le processus retenu par les deux sociétés pour l’extraction de l’huile du schiste est la pyrolyse, c’est-à-dire la décomposition de la roche par la chaleur pour obtenir de l’huile de schiste.
La compagnie s’est installée au Maroc en 2009. Elle a procédé d’abord à des explorations pour évaluer les gisements en schiste bitumineux au Maroc. Et pour ça, elle s’est basée sur des données d’exploration réalisées par Shell dans les années 80 ainsi que des dizaines d’échantillons prélevés dans le bloc de Tarfaya.
En conclusion : Entre 5.000 et 10.000 barils de pétroles peuvent être extraits par jour à Tarfaya. Au total, 50 milliards de barils pourraient sortir de la région. Quant aux réserves de Timahdit, elles sont estimées à 42 milliards de tonnes. Ce qui fait du Maroc le 6ème pays en réserves de schiste bitumineux dans le monde.
Après avoir estimé les réserves du Maroc, San Leon Energy devrait passer à l’évaluation de la viabilité commerciale. Le produit qu’elle veut extraire est l’huile de schiste, ensuite, l’électricité, comme produit secondaire.
Dans l’attente de meilleurs procédés d’extraction de l’Or noir et de production d’électricité des schistes bitumineux de Timahdite, on rappele que cette extraction du pétrole à partir du schiste bitumineux émet près de 5 fois plus de CO2 que l’extraction du pétrole conventionnel, selon Greenpeace. De plus, son extraction nécessite souvent énormément d’eau et peut donc causer l’assèchement des nappes phréatiques, voire leur pollution dans les techniques de fracturation hydraulique. D’où la protestation des écologistes de par le monde.
Mohammed Drihem, Auteur