Le ministre de l’environnement et du développement durable (MEDD) M. Abdou Karim Sall doit certainement passer des nuits blanches avec la série de critiques dont il fait l’objet depuis quelques jours. Après la chaude polémique sur l’affaire des Oryx déplacés de leur habitat naturel vers sa réserve privée de Bambilor, c’est le tour de la forêt Classée de Mbao (FCM) d’être sous le feu des projecteurs. Il serait ici question d’un projet de déclassification de 10 Ha de la Forêt de Mao.
Considérée comme l’un des derniers poumons verts de la capitale, la FCM a une longue histoire. Immatriculée au nom de l’État en 1908, il faudra attendre jusqu’en 1940 pour qu’on en fasse un espace de conservation de la biodiversité forestière par Arrêté 979 SE/F. Conformément à l’article R-14 du décret 98-164 du 20 février 1998 portant Code forestier « l’élaboration du plan d’aménagement d’une forêt classée relève du Service forestier qui définit les règles de gestion, les exécute ou les faits exécuter par un tiers ». C’est pourquoi le service forestier a préféré opter pour une cogestion en raison de la complexité de la problématique de sa conservation.
S’il est vrai que l’Etat lui reconnaît une grande importance au plan de la biodiversité, il n’en demeure pas moins qu’il doit essayer de trouver le juste entre protection de l’environnement et développement économique. C’est tout du moins la logistique qui transparaît dans la démarche de l’Etat. Si on s’en tient aux faits, c’est le développement économique qui prime sur la protection de l’environnement. Un bref rappel des projets qui ont impacté la FCM s’impose :
- le projet immobilier «Mbao Ville Neuve » de la SICAP qui en a grignoté quelques 20 Ha ;
- en vertu du décret n°2010-734 du 13 juin 2019, 35 Ha de la FCM ont été déclassifiés au profit de l’Agence Nationale chargée de la Promotion de l’Investissement et des Grands Travaux (APIX) pour les besoins du projet de l’autoroute à péage Dakar-Diamniadio ;
- la réalisation du Train Express Régional (TER) 20 autres Ha ont été encore déclassifiés.
Cette liste n’est pas exhaustive puisque d’autres installations y sont présentes même si on a tendance à les oublier. Il s’agit en outre, de la route dite de la SENELEC qui traverse la forêt du centre de transit Veolia, du dépôt de dynamite, du club Racing appartenant à la fédération équestre du Sénégal, etc.
Le constat est plus qu’amer, la FCM est constamment en proie à des agressions et la dernière qui se prépare est le projet de déclassement de 10Ha sollicités par le maire de Pikine. Par lettre n° 814, le maire de Pikine a demandé la mise à disposition de cette surface aux fins de l’extension du cimetière de ladite commune. Dans sa correspondance n° 2311, le ministre a exprimé sa volonté de présider une réunion de la commission régionale de conservation des solutions dans le but de donner suite à la lettre du maire de Pikine.
Une décision que fustige la Plateforme pour le Développement Durable de Mbao (PDDM) lors de sa randonnée du 11 juillet 2020. Le ministre s’est clairement dédit des propos qu’il a tenu à la journée internationale de la sécurité biologique.
« …c’est l’occasion pour moi de féliciter le Directeur des Eaux et Forêts Chasse et Conservation des Sols, le Directeur des Parcs nationaux, le Directeur des Aires marines communautaires protégées pour l’ensemble des actions mises en œuvre pour assurer à notre pays la protection de cette biodiversité qui est très importante pour l’espèce humaine. C’est le lieu de dire que nous avons fait une évaluation où nous avons passé en revue l’ensemble des objectifs. Le Sénégal s’est fixé un certain nombre d’objectifs que nous évaluons à chaque fois pour voir à quel niveau nous sommes dans le cadre de cette mission que le Chef de l’Etat a bien voulu nous confier. Ces 722,5 hectares dans une zone urbaine de Dakar, qui est un poumon important. Il est de notre devoir de protéger non seulement cette forêt, mais de la rendre beaucoup plus riche » a-t-il fait savoir devant le les journalistes.
Ces scandales qui secouent régulièrement un ministère aussi stratégique que celui de l’environnement et du développement durable devrait être l’occasion d’engager une véritable réflexion nationale avec tous les acteurs politiques sociaux économiques sur les politiques de protections de l’environnement au Sénégal.
Evelyne MENDY (Stagiaire) / VivAfrik
merci pour ce message d’alerte