Les Mabi avaient offert pour un temps des terres cultivables aux Bulu. A l’arrivée du projet de construction d’un aéroport dans leur localité, ils se rendent compte qu’ils ne sont plus propriétaires d’une partie importante de leur territoire.
Il y a quelques années, la communauté Mabi, sollicite l’argent et l’expertise d’un promoteur foncier appelé «partenaire», René Ndamba, pour le lotissement 104 hectares objet de sept titres fonciers.Pour le chef du village, Clément Louoh, «le promoteur devait, en plus de la viabilisation des sites, construire deux ponts pour faciliter la circulation entre les sites séparés par les marécages et les cours d’eau. Ce qui n’a pas été fait. Le partenaire a loti la meilleure parcelle et s’est lancé dans les ventes unilatérales au mépris de la clause du protocole d’entente stipulant que tout devait se faire d’accord-parties». D’où la désolation de la communauté Mabi. Qui accuse son chef de complicité avec le partenaire pour la flouer. Les villageois estiment que Clément Louoh n’a pas suffisamment préservé leurs intérêts dans la mise en œuvre du protocole d’entente entre Lendji et René Ndamba. Au point que le chef de village ne sait plus à quel saint se vouer, tant la rupture est profonde entre ses administrés et lui : «Même avec mon propre grand-frère, c’est la guerre. A cause de Ndamba, on se regarde en chiens de faïence car il m’accuse d’avoir trafiqué des choses avec le partenaire sur son dos», se lamente le chef du village qui a perdu son autorité, abusé par celui qu’il avait présenté comme un messie. «Nous sommes victimes de la cupidité d’un partenaire a qui nous avons fait confiance et traiter comme un frère». C’est en ces termes que le chef du village Lendji exprime sa désolation face au spectacle qui s’offre à lui derrière sa maison en construction.
Tout le terrain loti, y compris le dernier champ de son épouse dans le titre foncier n°5712, est pris d’assaut par des inconnus qu’il découvre au jour le jour. Toutes les parcelles sont délimitées par des clôtures en parpaings, en fils barbelés ou en déchets de bois. Tous les propriétaires disent avoir acheté les lots chez René Ndamba, le partenaire.
Otage de ses engagements
«Lorsque Monsieur Ndamba est venu nous voir, il s’est mis à genoux ici dans ma maison. Je ne savais pas qu’il allait se comporter comme ça aujourd’hui,nous confie le chef du village, dépité par son partenaire qui ne respecterait plus les clauses du contrat. Il a dit qu’il va me montrer qu’il est plus introduit que moi à Kribi». Toutes les dividendes issues des ventes sont perçues par le partenaire qui, s’appuyant sur certaines clauses du contrat, dit exploiter les 20 % de ce qui devait lui revenir à la fin des travaux. Mais un notable du village relève que «les 20% ne peuvent être évalués que sur les parcelles restantes après le passage de l’autoroute Edéa-Kribi qui annule quatre titres fonciers et non avant».
Le titre foncier de la discorde dans le village Lendi-Aviation porte le numéro 5712. Il a été établi au nom du chef du village, Clément Louoh, et autres. Il est aujourd’hui sous scellés dans les instances judiciaires à cause des oppositions dont il fait l’objet de la part des différents partenaires et des autres copropriétaires. Ce titre foncier a initialement été mis à la disposition du partenaire Jean Nguimeya à hauteur de 5 millions de FCFA. C’était le premier partenaire.
Seulement, le passage de l’autoroute et la pression des autres clients par rapport à l’emplacement idéal du site a davantage aiguisé les appétits. Conséquence : le chef a trouvé un prétexte pour disqualifier Jean Nguimeha au profit d’un «plus proche», le nommé René Ndamba qui était le plus disant en matière de lotissement du site. Le montant de la transaction ne nous a pas été révélé mais ce qu’on sait c’est que les 5 millions de FCFA de Jean Nguimeha ont été remboursés, et, dans un élan de fair-play couplé à la générosité, un million de FCFA a été remis à la communauté Mabi de Lendi comme « prime de bonne séparation en 2014 ».
Lorsque René Ndamba gagne la confiance de la communauté, il entreprend le lotissement de tout l’espace en commençant par le titre foncier 5712. «J’ai fait appel à l’expertise de la société Razel pour un lotissement dans les règles de l’art», confie René Ndamba.
Pour le chef du village, «la société Razel a travaillé ici parce qu’elle recherchait la latérite nécessaire pour revêtir les routes qu’elle construisait à Kribi». Dans la foulée des révélations, M. Ndamba relève que le chef Clément Louoh voulant améliorer ses conditions de vie lui avait fait une proposition de transaction qu’il avait saisie au bond :« Je te donne un hectare de terrain en plus dans mon titre foncier 5712 et tu me donnes en retour une voiture». Ce qui a été fait parle partenaire Ndamba qui déclare :« Les parcelles que je vends derrière la maison du chef font partie de l’héritage qu’il m’a octroyée et non des 20 % du protocole d’entente».Mais le chef du village, Clément Louoh, s’est rétracté et remisavec Jean Nguimeya qui lui fait une offre supérieure à celle de M. Ndamba. D’où, la plainte de ce dernier : «Je me suis engagé en recevant l’argent des tiers jusqu’en Europe à hauteur de 300 millions de FCFA environ, pour vendre les lots de mes 20%. Aujourd’hui je suis dans les problèmes avec les clients qui m’ont fait confiance».
Enquête menée par Bernard Bangda / VivAfrik